Aujourd'hui plusieurs notes illustrées (un stock de photos à écouler).
Il y a quelques mois, la mairie (prefeitura) de Rio a lancé une opération de pacification dans les favelas, en particulier la fameuse "Cidade de Deus". Elle consiste à établir des postes de "police pacificatrice" aux différentes voies d'accès. Trois favelas ont fait l'objet de cette expérience, et si l'on a noté une nette amélioration de la sécurité dans les murs de la favela, on a également constaté une recrudescence des cambriolages dans son voisinage immédiat, et une violence déchaînée dans les favelas non policées: les trafiquants de drogue craignent l'asphyxie et cherchent à s'approprier de nouveaux marchés.
Pour avoir une idée de ce qu'est une favela, il ne faut surtout pas songer au bidonville et autre représentation fantasmatique. La favela est juste un quartier pauvre qui à Rio s'étale à flanc de colline, chaque habitant augmentant progressivement la taille de sa maison. Certaines ont tout le confort moderne, mais généralement l'urbanisation ne suit pas. Voici quelques photos prises au passage du bus:
Ceux qui sont vraiment pauvres n'ont pas les moyens d'habiter la favela et s'installent donc dans la rue en famille:
Or donc, Liz et moi avions prévu d'aller boire une bonne bière dans le quartier de Vila Isabel. Pas de chance, une guerre de trafiquants avait éclaté dans la nuit, avec une tentative d'invasion du Morro do Macaco par ceux de Jacarézinho, deux favelas qui occupent des flancs opposés de la vallée où se situe Vila Isabel, quartier bohême quand on n'y tire pas à la mitrailleuse. La police est intervenue au petit matin et les trafiquants ont abattu un hélicoptère avec des balles traçantes. Le pilote s'est posé, héroïquement il faut le dire, dans un terrain de foot tandis que l'hélicoptère prenait feu: le temps qu'il a perdu en évitant les habitations a entraîné la mort d'un des occupants, brûlé au troisième degré.
La police a cerné le Morro (la colline) tandis que les habitants fuyaient en débandade, et les bandits ont brûlé une douzaine d'autobus pour couvrir leur retraite. Voici quelques images photographiées sur l'écran de télé:
L'un des trafiquants arrêtés (dix ont été tués):
Il se trouve que j'assistais à cela par le biais d'une excellente émission intitulée "Brasil Urgente", dont l'animateur pousse la population au crime en conspuant les bandits. L'un d'entre eux ayant été abattu en gros plan par un tireur d'élite, alors qu'il se couvrait d'une otage, le présentateur exulte: "Ah, canaille, c'est ça qu'il te faut, une balle dans la tête! S'il n'y avait pas tant de pourris au gouvernement les bandits seraient abattus un par un, voleurs! vagabonds! traîne-savates! C'est un droit constitutionnel du citoyen de vivre en paix, et regardez ça! Mais écoutez, c'est notre faute aussi, c'est nous qui votons pour ces canailles qui nous gouvernent! Ah, regardez celui-là, repassez l'image, voyez comme il tombe en lâchant l'otage... Encore une fois... Bien fait! Bandit! Délinquant! Tu prends une otage, eh bien tu mérites une balle dans la tête, salaud de criminel!" Et voici le virulent orateur:
Ce type d'émission est courant également sur les chaînes régionales. Une des vedettes de la télé de Manaus, qui ressemblait assez à notre ami vitupérateur, a été récemment arrêté car en plus de son émission il contrôlait le trafic de drogue de la ville, et profitait de ses règlements de compte pour dépêcher ses équipes et obtenir des images sanglantes de ceux qu'il faisait assassiner.
j'ai pensé à toi en voyant les images de Rio (l'hélico et autres). Je suis rassurée de voir que tu ne t'es pas retrouvé au milieu de ce merdier
Rédigé par : Narayan | lundi 19 oct 2009 à 18:57
Ne t'en fais pas, nous autres anthropologues sommes formés à affronter n'importe quelle situation (dans ce cas précis, en restant à la maison et en regardant les infos à la télé) :)
Rédigé par : Anthropopotame | lundi 19 oct 2009 à 23:04