Sept heures, réveillé par la pluie qui battait à ma fenêtre.
Demain aura lieu le séminaire de clôture, je peaufine mes conclusions. Pour cela, je reprends tous les articles à ma disposition et j'examine la manière dont ils se terminent. Je m'aperçois que quel que soit l'angle d'attaque, ils reprennent toujours le même refrain: les populations traditionnelles sont, en fin de compte, différentes des autres, et les problèmes rencontrés par les organismes de tutelle viennent tantôt de la dépendance, tantôt de mauvais choix économiques, tantôt de la pression des fronts pionniers.
Or il faut s'abstraire de cette vision globale et entrer dans le détail de l'histoire et de la région. Nous autres qui nous penchons sur ces cas, nous sommes obnubilés par l'idée qu'il y a des raisons conjoncturelles qui empêchent ces expériences d'être rentables. Mais à y regarder de plus près, le corpus législatif qui définit ces populations, et qui semble planer sur un nuage de coton, n'est en fait appliqué que dans des situations d'urgence, de crise, où ces populations appellent à l'aide et s'organisent en conséquence. Ce n'est pas leur mode de vie qu'elles cherchent à défendre, mais leur vie même, leurs sources de revenus.
Plutôt donc que de construire des édifices législatifs qui les définissent comme des êtres à part - et qui rejettent sur la solidarité nationale ou internationale le souci de leur protection - il vaudrait mieux aller droit au but et protéger leur activité sous forme de subventions, de la même manière qu'on subventionne le théâtre ou les spectacles de rue. Si la collecte de noix du Brésil ou la pêche artisanale ne sont pas concurrentielles dès lors qu'on cherche à garantir les revenus d'une famille, alors il est vain de s'épuiser à les rendre rentables à tout prix: il faut simplement les subventionner.
Si l'on regarde la population de Mamiraua, on voit que l'Institut qui gère la réserve s'efforce de développer des alternatives économiques, cependant que l'Etat verse des "bolsa floresta" (prime à la non-déforestation, reçue comme une aide alimentaire), et que les mairies à qui incomberait la construction d'infrastructures de santé et d'éducation jouent le jeu traditionnel du clientélisme pré-élection. Mais en fin de compte, c'est l'Institut qui est rendu responsable des défaillances du système de soin, de la dangerosité du transport scolaire sur le fleuve en crue, de la concurrence de la pêche non contrôlée.
Or c'est aux Etats d'assumer les services publics - soin, santé, énergie. Cela ne fait pas partie d'un hypothétique "développement durable", mais de la citoyenneté tout court. Le fait de laisser les ONG se dépatouiller alors que c'est l'Etat qui est défaillant complique singulièrement l'analyse de la situation.
Il faut donc distinguer deux aspects qui sont presque systématiquement envisagés simultanément: d'une part les missions de service public qui concernent l'ensemble des citoyens, et ensuite, une politique de subvention à des activités ayant un faible impact environnemental, répondant aux objectifs de préservation que l'Etat s'est lui-même fixé. Sinon, on finit par percevoir comme un échec des projets de "développement durable" le fait que les habitants n'aient pas accès à une eau consommable, à une éducation correcte, etc.
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