5 avril 2010
Cyril. Père : Jean. Frère Jérôme.
Quatrième
génération.
120 vaches
Blondes d’Aquitaine et 7 charolaises
Trois
bâtiments, dont un engraissement, et un autre pour le fumier (couvert pour
éviter ruissellements).
Les vaches
restent au champ d’avril à octobre, mais champs épuisés dès mois de juin – trop
sec ensuite.
Certaines
de leurs vaches ont plus de huit ans – au-delà, vendues moins cher. Mais
gardent les bonnes vêleuses, celles qui sont douces. Des jumelles, bien moins
grosses que celles du même âge.
28 francs
récemment, aujourd’hui 26,50 le kilo. Blé : 100 euros la tonne, 150 si
aplati. Cultivent et aplatissent leur propre maïs et blé.
Connaissent quelques vaches, mais par leur numéro. Les écornent régulièrement (sécurité et pour qu’elles passent la tête par cornadies).
Parlent de
rivalité avec laitiers. Le père, Jean, était associé à un beau-frère pour le
lait, le beau frère a gardé toutes infrastructures. Cyril pense que les
éleveurs laitiers (qui ne sortent pas leurs vaches) ont trop investi quand lait
était au plus haut : ne peuvent plus rembourser.
Les vaches
passent tout l’hiver à l’intérieur, sur de la paille. Leurs sabots
s’amollissent, cela peut provoquer boiteries.
Nous avons
passé en revue quelques naissances : entre le 20 et 25 juillet moitié de veaux
morts-nés, pensent qu’il y a qq chose (pleine lune ?)
6 avril.
Epouse Jean : Brigitte. Est née à un km de là.
Ont déplacé
des vaches toute la matinée. Séparé veau des mères. Bc de meuglements et
d’incompréhension de la part des vaches. Ils n’aiment pas faire ça. Explique
que pdt trois jours il vaut mieux éviter de reparaître devant elles, il faut
qu’elles se calment. Les déplacements entraînent coups de corne et confusion,
mais qui ne durent pas longtemps.
Ils disent
d’une vache qu’elle n’est « pas fine » quand n’aide pas, un peu
méchante.
J’ai
remarqué que même les vaches qui ne sont pas concernées meuglent, mais pas
longtemps. D’ailleurs ça ne durait pas longtemps : une vache meugle trois
ou quatre fois, puis d’autres prennent la relève.
Au cours
des déplacements, les vaches croyaient qu’elles allaient au pré, se dirigeaient
spontanément vers le pré. Mais le pré n’est qu’un support : après deux ou
trois mois il est épuisé.
Ont mis
quelques vaches au pré (quatre) et un taureau nommé basilic. Quelques gambades.
Le taureau ne voulait pas y aller, peut-être à cause de ma présence. Se sont
vite formées en troupeau, le taureau ne menait pas forcément, même si prenait
souvent la décision. Tous très attirés par une souche posée dans la boue, y
revenaient régulièrement, s’y frottaient, puis se léchaient le museau
mutuellement, particulièrement une vache plus claire que les autres qui a léché
toutes ses compagnes au museau et à l’encolure, les autres s’y prêtaient
volontiers.
Elles se
sont aussi regroupées auprès d’un poteau électrique. Elles ont peu brouté
(avaient mangé le matin), et de manière très aléatoire :
Elles ne
s’éloignent jamais plus de cinq ou six mètres les unes des autres. Evidemment
c’était leur premier jour au champ, je n’ai pas remarqué d’ordre particulier
dans les décisions de s’éloigner. Elles n’ont pas non plus exploré la surface
du champ, sont juste allé au milieu ou se tient le poteau, et sont restées
plutôt du côté de la ferme.
Jean m’a
accompagné chez lui pour que je fasse des photocopies d’une revue bovine qui
parle de l’éthologie des vaches. Il est très pris par son métier, soucieux des
bêtes, n’aime pas avoir à leur jouer des « sales tours ». Dans les
stalles d’engraissement, m’a expliqué que les taurillons tout gras n’étaient
pas agressifs : la nourriture d’engraissage les rend plutôt apathiques.
(Et dans la revue, méthode OBSALIM, permet de comprendre l’état des vaches à
leur poil, leur attitude, leurs suées… La nourriture est stratégique : la
digestion des vaches est compliquée et on peut les rendre malades en un rien de
temps.
Ce matin,
quand des veaux ne répondaient pas, lui et sa femme donnaient des coups de
bâtons, pas forts – le veau était aveuglé par la lumière du jour, ils préfèrent
les sortir quand le temps est couvert sinon se prennent dans les clôtures). Sur
le taureau aussi ont donné quelques coups, et c’est leur fils Jérôme qui les a
réprimandé, disant qu’il fallait remplir un seau de farine et l’appâter
jusqu’au champ. Cyril l’a fait et ça a marché, le taureau a suivi.
Ce sont
vraiment de grosses bêtes et les éleveurs ne se séparent jamais de leur bâton,
qui prolonge leur bras. Les vaches sont méfiantes et ont des « distances
de fuite », moment où l’on ne peut plus s’approcher sans une charge (si
veau) ou fuite.
Les
accidents sont provoqués par les mères ou par les dominées cherchant à fuir un
coup de corne. Elles peuvent alors facilement bousculer l’éleveur.
Ce qui m’a
surpris c’est qu’il y a beaucoup de familiarité mais peu d’intimité, peu de
contacts physiques entre éleveurs et vaches. Ils disent que c’est parce qu’il y
en a beaucoup et qu’ilest difficile du coup de consacrer du temps à chacune
d’elles. Selon la revue, certains éleveurs sélectionnent une ou deux génisses
qu’ils apprivoisent et serviront de meneuses (ce ne sont pas forcément des
dominantes, simplement des vaches qui prendront l’initiative de suivre
l’éleveur, les autres allant à leur suite.
Mais la
gentillesse de la vache est un élément d’appréciation essentiel pour eux. Une
retorse est vite réformée, d’autant qu’ils estiment que les veaux hériteront de
son caractère. Autre point de génétique : ils veulent des taureaux longs
car estiment qu’ainsi les veaux sortiront plus facilement du ventre de la mère.
Pour la
croissance, disent qu’elle est aléatoire : « y’en a qui deviendront
grandes, d’autres resteront petites, c’est comme nous ».
Je suis
frappé par les yeux des vaches, ils ont un reflet bleuté – peut-être parce
qu’elles avaient passé l’hiver enfermé. Il paraît qu’elles voient bien mais
coûtent à s’habituer aux chgt d’intensité lumineuse. Un rai de lumière peut les
effrayer.
La revue
insistait sur le fait que les vaches étaient des proies, accoutumées donc à
réagir à la présence de prédateurs. Ont un comportement plus craintif que celui
des chèvres, c’est certain. Mais c’est un peu étrange qu’elles ne discernent
pas ce qui est prédateur et ce qui ne l’est pas ?? Ont-elles peur des
moutons par exemple ? Des oiseaux ? Vu leur taille on pourrait penser
qu’elles ont appris à ne pas craindre grand-chose… Est-ce la condition
d’élevage qui les rend craintive, parce qu’on est accoutumé à leur crier dessus
pour les faire obéir ?
Noter que la peur est réciproque. Bien qu'ils ne la montrent pas, les éleveurs ont peur lorsqu'ils doivent intervenir dans les cases, particulièrement à la naissance des veaux. Souvent passés par dessus la barrière pour sauver leur peau, quand vache montre des signes d'énervement. J'ai demandé si quelqu'un était resté jusqu'au bout pour voir ce que la vache était susceptible d'infliger, en fin de compte: piétinement? encornement? écrasement? M'ont répondu qu'ils n'avaient pas tenté l'expérience - en dépit de son intérêt.
120 vaches dans trois bâtiments, ça paraît énorme (40 vaches par bâtiment !) ; les vaches ne vivent pas naturellement en troupeaux de 120 individus ou je me trompe ? Ils sont donc obligés de les décorner à cause de la densité ! Les cornadies sont une excuse commode. Et les laisser tout l'hiver sur de la paille sans les sortir, ça me paraît incroyable. Pas étonnant qu'elles aient des troubles du comportement (et les sabots mous) ! Quand on leur enlève leur veau, il vaut mieux ne pas les approcher, ça me paraît normal (bien que je ne sois pas spécialiste, juste amateure). Le fait que les veaux soient aveuglés et qu'il faille les sortir par temps couvert ne révèle-t-il pas qu'ils sont trop longtemps confinés en bâtiments trop sombres ? Et taper dessus ne doit rien résoudre : c'est inhumain et on obtient plus par la douceur et la patience, non ?
En ce qui concerne la "gentillesse" de certaines vaches, je crois qu'E de Fontenay a écrit quelque chose là-dessus : ce serait une stratégie d'adaptation et de coopération pour rester en vie plus longtemps, ce qui prouve qu'elles ne sont pas aussi stupides que les humains le pensent. Bref, j'adore les vaches malgré leur sale caractère, ou disons leur forte personnalité.
Rédigé par : Hypathie | samedi 10 avr 2010 à 22:01
Hypathie, les bâtiments sont très vastes. Le coup des sabots, c'est un problème, mais les vaches ne peuvent passez l'hiver au champ, cela depuis le néolithique: pas de pâture en hiver.
Les vaches ne sont en effet absolument pas stupide, elles ont juste des préoccupations qui recoupent peu les nôtres, donc il est difficile de les observer et de les comprendre...
Vous avez des vaches?
Rédigé par : anthropopotame | dimanche 11 avr 2010 à 12:22
Je n'ai pas de vaches, mais j'ai été élevée avec des vaches.
Elles ne s'encornaient pas et n'étaient pas menaçantes avec nous ni avec notre père (ni avec maman qui les trayait !); pas de pâture l'hiver, l'herbe ne pousse pas, mais on peut les mettre dehors -elles ne craignent pas les basses températures- et leur donner du foin, des betteraves et des choux (mais ça suppose une liaison au sol). C'est mieux que les nourrir avec des tourteaux de soja qui leur occasionnent des problèmes hépatiques. Car c'est vrai que les vaches sont fragiles de la panse.
Les cornadies qu'elles défonceraient, ou le supposé cannibalisme des porcs qui se mangeraient entre eux, ou encore le piquage chez les poules, obligeant les éleveurs à -décorner, meuler les dents et caudectomiser, ébecquer, pratiques très douloureuses et handicapantes, c'est toujours une justification des conséquences des (mauvaises) pratiques des éleveurs hors-sol qui rejettent la faute sur leurs animaux perturbés par des densités "heure de pointe du métro" et une énorme promiscuité ! Je suis une défenseure et protectrice de ces animaux, et je rencontre régulièrement à ce titre des éleveurs hors-sol : ils en arrivent à s'intoxiquer eux-mêmes sur leurs pratiques et à oublier le comportement de leurs animaux qu'on ne leur enseigne nulle part ! Et, bien entendu, je lis, et j'expérimente moi-même avec ces bêtes. Mais je ne suis pas éleveuse.
Rédigé par : Hypathie | dimanche 11 avr 2010 à 18:46
Entièrement d'accord avec vous, il serait mieux que les vaches vivent en plein air, que les éleveurs aient davantage de lien, etc. En l'occurrence l'élevage que j'ai choisi n'est pas un bio, mais label rouge, avec un cahier des charges assez strict. Mais je ne suis pas là pour juger l'éleveur, juste pour observer ses vaches.
Rédigé par : anthropopotame | lundi 12 avr 2010 à 14:22
"Ils disent d’une vache qu’elle n’est « pas fine » quand n’aide pas, un peu méchante."
c'est amusant, au Québec c'est tout à fait courant pour parler d'une personne... à tel point qu'on distingue les Français, qui diront "unetelle n'est pas gentille" (untel pas gentil), des Québécois qui diront fin(e).
quant aux considérations sur le fait que l'élevage en grosse densité induit des modifications comportementales je suis tellement d'accord qu'il semble même qu'il induit des modifications génétiques -- apparence que seulement très peu de vacahces peuvent encore vêler sans aide extérieure... ce qu'elles faisaient autrefois de façon systématique et naturelle.
(la même chose vaut d'ailleurs pour les juments d'élevage vs. sauvages)
Rédigé par : Dodinette | mercredi 14 avr 2010 à 18:07