Mes lecteurs le savent: j'ai la secrète ambition - outre celle de devenir un leader d'opinion - de refonder entièrement le code pénal, ceci afin de tenir compte des évolutions de la société contemporaine et de mes propres aspirations à la quiétude et au bien-être.
Ce code pénal prendrait en considération deux phénomènes sociétaux souvent passés sous silence : le bruit et les transports en commun, et leur conjonction. Il innoverait particulièrement en ceci que les jurys populaires seraient constitués bien en amont du jugement, les jurés contribuant activement à la qualification du délit, au procès et à l'application de la peine. Cela va dans le sens d'une démocratie participative effective, plus expéditive, mais ô combien plus réjouissante.
Voyons les choses en face: le bruit est devenu l'ennemi public numéro 1. Du grand criminel au petit délinquant, s'il est une constante, c'est le bien le fait qu'ils sont bruyants. Le petit délinquant fait du bruit avant de commettre son forfait, et le grand criminel après (lorsqu'il dépense l'argent).
Mon amie Juliana et moi-même étions tombé d'accord pour pénaliser fortement le bruit provoqué par les mélomanes motorisés, les peines variant selon le type de musique, et notre réglementation prévoyait également de frapper les cyclistes qui écouteraient de la musique trop fort en pédalant.
Mais le code auquel aspire notre société - et moi en particulier - doit être ciblé, réactif, prompt à la détente, tel un cobra à lunettes, prêt à frapper le moindre geste ou son délictueux. Son application aux transports collectifs répond à une attente, et singulièrement la mienne. Autant dire que ce code serait appliqué très scrupuleusement dans tout moyen de transport où j'aurais l'heur de me trouver.
Ainsi, au retour de Genève, l'évidence s'est imposée à moi, tandis que j'essayais de somnoler (oui, comme la veille, et tout aussi vainement) qu'il faudrait rendre les bébés pénalement responsables de leurs actes, cela dès le sixième mois de grossesse. En effet, il est inutile de s'en prendre à la jeune maman qui minaude et cherche à gagner la complicité de l'auditoire. Un tribunal d'exception rapidement constitué, dans le compartiment même où pleure le bébé, devrait pouvoir mettre un terme à ses (v)agissements.
Le problème qui se pose dans les avions est différent. Je ne parle pas des chutes ou d'explosions en plein vol, mais d'un phénomène presque aussi irritant qui est l'immanquable "Y a-t-il un médecin à bord?" suivi du non moins irrévocable "Mesdames et messieurs, j'ai la douleur de vous annoncer que l'état de santé d'une passagère (il s'agit toujours d'une passagère) nous oblige à nous dérouter vers l'aéroport de Tombouctou..." Ce qui laisse augurer de longues heures de vol, d'un déversement de kérosène dans l'Atlantique, et du laborieux débarquement de la passagère au pied du Pic de la Gomera ou du Kilimandjaro.
Ce cas de figure, qui se présente fort souvent, et empirera avec l'usage généralisé des A380, nous permettrait de tester la validité des propositions de Latour dans Politiques de la Nature (1999). Que dit Latour? Que la prise de décision nécessite la constitution de Parlements ad hoc fondés sur la circulation et la consultation alternée du rapport d'expert, de l'opinion des citoyens, et de la prise de décision du politique. Dans le cas qui nous occupe, le médecin convoqué est l'expert, le commandant de bord le politique, et les passagers sont l'organe de consultation. Il me semble judicieux d'exiger du commandant de bord, avant qu'il ne déroute l'appareil et ne nous fasse perdre un temps précieux, qu'il consulte les passagers afin de vérifier s'ils sont d'accord pour que soit sauvée la vie de la voyageuse indélicate, qui n'a pas pris ses précautions.
Mes lecteurs pourront juger, à partir de ces éléments, s'il ne serait pas urgent de faire de moi un leader d'opinion afin que tous les problèmes d'aujourd'hui et de demain soient réglés rapidement et dans un sens qui nous conviendrait à tous (et surtout à moi) parfaitement bien.
Toutefois, comme j'ai l'esprit aussi large que scrupuleux, je lance dès aujourd'hui une vaste consultation adressée à l'âme et la conscience de mes lectrices et lecteurs bien aimés:
ET VOUS, QUEL CODE PENAL ÊTES-VOUS ?
Il y a des passagères dans les avions ? Non ? Mais c'est inouï ça, je n'en ai jamais vu dans ceux que j'ai pris. Rien que du costume sombre-cravate, de l'attaché-case Vuitton, et le Figaro ou The Economist sous le bras. Des enfants ? N'en parlons même pas ! Éventuellement quand on trouve une femme, elle est habillée exactement comme les mecs et il faut une bonne vue (ou un bon nez car en général elle n'est pas parfumée, ELLE) pour la repérer. Je n'ai l'expérience que du môme qui braille dans un train et de la mère qui le laisse faire absolument ce qu'il veut le petit chéri, et j'en tombe d'accord avec vous : c'est in-sup-por-ta-ble !
Rédigé par : Hypathie | mercredi 19 mai 2010 à 17:37
Je vote pour toi! Les bébés qui pleurent, les radios à fond toutes fenêtes ouvertes, les motos, les soûlards du samedi soir, les chiens qui n'arrêtent pas d'aboyer, tout, tout, tout ce qui fait du bruit devrait être bani! Quant aux malades dans l'avion, allez, hop, par le hublot ou à la soute!
Rédigé par : Dr. CaSo | mercredi 19 mai 2010 à 17:55
Huhu Hypathie, j'étais sûr que vous réagiriez, j'ai fait exprès d'ajouter en incise le fait qu'il s'agissait toujours de passagère :) Cela dit je constate que vous ne vous récriez pas lorsque j'attribue d'office le genre masculin au grand criminel et au petit délinquant...
Bravo CaSo! Je vote pour le fait que tu votes pour moi! Cela dit ma question était: quel genre de code pénal voulez-vous? Quant aux malades dans l'avion, je pensais plutôt qu'on les transporte à l'arrière, afin qu'ils ne dérangent pas les passagers en parfaite santé.
Rédigé par : anthropopotame | mercredi 19 mai 2010 à 23:48
Quel genre de code pénal suis-je? Je ne sais pas, je suis contre tout ce qui me fait chier (le bruit en premier, et puis les mauvais conducteurs, les impôts, la lessive et le ménage, les torticolis, les courses, les gâteaux râtés, les factures, la vaisselle, les températures en-dessous de -40, les longues distances, les secrétaires qui râlent, les aéroports, les fruits de mer, la grisaille, les douaniers, les rapports annuels, les maux de tête, les contraventions, les étudiants paresseux, les fautes d'orthographe, la menthe, les médecins nuls, les collègues cons, la grammaire française, et les politiciens). Ca te suffit?
Rédigé par : Dr. CaSo | jeudi 20 mai 2010 à 06:35
Mais CaSo, non, cela ne suffit pas! Il faut que tu qualifies chaque délit, puis que tu y associes une peine, ainsi qu'une modalité d'application de la peine. Sinon, ce serait une justice expéditive, un retour au Far West!
PS: quant aux fruits de mer, je te fais remarquer que les crevettes dont tu agrémentes tes recettes en font partie. J'ai quelques doutes concernant l'impartialité de ta justice, je crois que je préfère la mienne :(
Du coup je ne suis plus sûr de vouloir t'inviter le 2 juin!
Rédigé par : anthropopotame | jeudi 20 mai 2010 à 06:47
Petite délinquante, encore, ça peut être du français correct (on peut sans doute en trouver en cherchant bien) mais grandE criminellE, franchement, ça relève de la science fiction ! Les femmes ne sont pas assez affranchies ni libérées pour se lancer dans ce genre de business, éducation répressive oblige. Mais, c'est comme le reste, je suppose, un peu d'entraînement, d'affirmation de soi et de désinhibition...
Rédigé par : Hypathie | jeudi 20 mai 2010 à 14:18
Bouhhhhhhhhhh. Bon OK, fruits de mer SAUF crevettes! Pis même si tu m'invites pas le 2, je sais où t'habites et je viendrai te casser les pieds pendant quelques heures juste pour me venger :P
Rédigé par : Dr. CaSo | jeudi 20 mai 2010 à 16:33