22 aout : tour jusqu’à cachoeira do laguinho (2h de rabeta) avec arrêt dans retiro Messias (Manivela) et roça domingos. Passé également par le canto Benvenuto: là où Bahiano est enterré.
Arrêt également à igarapé Campeao : s’appelle ainsi car nul autre pareil. Dans un bras de l’igarapé, grande castanheira dont le premier fruit tombe le 13 décembre. Joao Amancio (dit Pição) m’explique que son grand père a vécu ici, et qu’on y entendait la nuit bruit de batuque (percussions). Un homme qui connaissait la région a emmené un jeune chasser ; le laisse dans la pirogue amarrée dans l’igarapé, s’éloigne, puis saisi d’un doute il revient : le jeune homme lui dit « mais tu viens juste de revenir et de repartir, pourquoi ? » L’homme comprend que le jeune homme a manqué d’être emporté par un bicho do fundo, une irara (mustélidé ?) ou Oyara ?.
M’explique qu’il y avait ici un pajé nommé priciliano, il s’enfonçait dans la forêt avec ses karuana et revenait les mains attachées dans le dos, les nœuds si serrés que personne ne pouvait les défaire…
Son grand père avait plusieurs lieux de séjour et la zone qu’il occupait s’appelait « o canto do Macedo ». Son oncle Messias, le seul qui soit encore vivant, a récupéré un de ces lieux pour faire un retiro à lui. Endroit très plaisant, berge de rocher.
Puis roça de domingos, qui ferait hurler les jardiniers du dimanche : impossible de déterminer où commence la culture et où la capoeira. Ancienne casa de forno, et une plus récente… Pris photo de la petite entrée symbolique, ressemblant à entrée de fazenda…
Tout cela indique qu’il existe des lieux parlants.
A développer : leur rapport au fleuve : ne fabriquent pas leurs pirogues, passent à pied des sauts que les gens d’Iratapuru franchiraient allègrement, ne plantent pas en bordure du fleuve (ou très rarement), et Joao amancio se plaignait l’autre jour en disant qu’un député qui lui serrait la main l’avait traité de pêcheur, à cause de ses mains. Il n’aimait pas du tout cela…
A part cela, l’amont est beaucoup plus sauvage que l’aval, sans doute parce la pêche y est moins bonne (la mer ne remonte pas au-delà de la cachoeira do laguinho)…
16h : j’ai atteint mon point de saturation. Etat de fatigue due aux trop nombreuses piqûres d’insectes (mosquito, carapanã, micuim, maruim, carrapato) sans compter les araignées et les fourmis, et l’étrange bubon qui poursuit sa croissance.
D. et V. sont à Calçoene, je suis seul avec E. et C., moins susceptibles de calmer ma mauvaise humeur.
La température a monté en flèche depuis deux jours, il n’y a pas un nuage.
lundi 23 août 2010
Olga est passée ce matin pour faire de la prévention. Nous a montré les photos des différentes maladies vénériennes et évidemment je me suis aperçu que j’en avais trois ou quatre. J’ai filé au poste de santé où Edna m’a fait une injection de pénicilline. Elle me garantit que bien d’autres sont passés entre ses mains. « Je veux des noms » lui dis-je.
Puis je passe voir Dona Mariuza, pas ravie ravie de me voir, un peu acanhada. Je ne me sens pas d’humeur causante, je veux des renseignements précis aujourd’hui et encore faut-il que la personne soit disposée à répondre.
Les filles doivent rentrer de Calçoene demain, j’espère qu’elles rapporteront un peu de nourriture car nous dépendons largement de la générosité des gens d’ici (bananes, poissons…) et je me lasse un peu de ce régime.
Petite visite de Joao, à midi puis ce soir.
A midi nous parle du curupira, bichos do fundo, histoire d’un homme qui décide de mettre sa roça dans un lieu qui est le terrain de jeu du neto do dono da mata… Nous dit que Bigo a vu une cobra grande, les yeux comme une soucoupe.
Ce soir, me parle de ses mésaventures en tant que représentant de la communauté : camion, casa de farinha, et maloca. Maloca ??? Pourquoi demandes-tu une maloca ? Parce que je trouve ça joli, me dit-il, on peut s’y réunir, recevoir des gens. Mais à quoi bon ce joli centre communautaire que vous avez ? Il commence à se sentir gêné, me dit que de toute façon les 150000 reais sont déjà débloqués. Ainsi va la dénaturation de ces petites communautés tranquilles.
mardi 24 août 2010
10h du mat. Sur la véranda, avec Nei (fils de Domingos) et Bigo. Nei essaye de dessiner une carte, Bigo élude ; pendant ce temps je colorie un perroquet, et nous écoutons des tango et Edith Piaf. Je me suis réveillé très préoccupé par le fait que nous n’avons aucune carte mentale, pour l’instant. Maintenant que ça va mieux, je peux à nouveau me soucier du terrain et trouver une solution à l’absence de carte. Les gens d’ici n’aiment pas dessiner, et je pense demander à Joao le prof une réunion d’urgence sur ce thème (genre les enfants et les grands parents dessinent chacun de leur côté.
D. et V. ne sont pas là, cela affecte l’ambiance ; il paraît qu’elles s’agitent dans tous les sens et ne veulent rentrer que demain. Rosa et Marisa font équipe contre moi, Marisa veut m’échanger contre un autre anthropologue. Moi je serais plutôt pour changer de cuisinière. Rosa m’explique que la statue de la sainte est en réparation : elle est tombée de l’autel lors de la dernière procession. C’est Meire qui doit la rapporter mais elle n’ose pas le faire en moto de peur qu’elle ne se casse encore.
Depuis deux jours nous ne faisons plus rien. E. et C. travaillent à la carto, C. fait de belles cartes, mais l’enthousiasme pour les conversations et les sorties est retombé ; il faut dire que nous avons eu notre dose de micuim et autre carrapato. C. est couverte de taches rouges. La moindre piqûre nous épuise. Quand ce ne sont pas les moustiques c’est une crétine de fourmi rouge qui nous monte sur le pied.
Neivaldo me dit que le vieux Sousa est le seul ici à savoir faire une pirogue. Il descendra aujourd’hui ou demain, par le fleuve, de l’assentamento Carnot (créé le 17 août 1985).
NB : depuis quelques jours les langues se délient : j’apprends que Vac et Olga ne pensent qu’à eux, surtout lui, qu’il ne se soucie pas de la communauté (cela parce que je suggère qu’il ne nous emmènera jamais à sa roça, ce que Marisa confirme : ele esta so enrolando)
La professora, a Velha, elle passe quelques jours ici par semaine, elle est d’ici, mais on ne peut pas dire qu’elle le soit vraiment, me dit-on, elle est plus de Calçoene. A l’observer d’ailleurs ses manières tranchent avec celles des gens d’ici. Joao le prof me confiera que le fameux cousin vereador s’approprie les projets qui émanent de son effort à lui, Joao, représentant élu de la communauté, par exemple dans le cas du camion
Petit tour du village, commençant par Bigo. Me dit qu’il a vu plusieurs cobras grandes, des sucuriju, mais dont les crocs dépassent de la bouche. A cette époque de l’année elles remontent le fleuve. « Come peixe ». Il me parle également du pajé Prisciliano, il l’appelle curador. A sauvé un gamin enlevé par Oyara ; on l’a retrouvé huit jours plus tard, suivant les indications de Prisciliano. L’enfant est resté prostré encore huit jours. Il ne semble même pas croire ce qu’il raconte. Il semble se foutre gentiment de ma gueule.
Puis je vais voir Joao – la chaleur monte monte – pour lui demander d’organiser réunion à l’école. Il nous faut absolument des cartes, sinon cette expédition ne sert à rien. Cueillette de citron, puis nous allons dans la maison voisine où Luis, Hermogenes et Joao amancio sont mollement allongés. Je leur raconte l’histoire de Mélusine et de Saint Julien l’Hospitalier. Un frère d’Hermogénes a reçu une flèche de provenance inconnue étant enfant ; il en est mort ; cela parce qu’il passait son temps à lancer des pierres aux oiseaux. Humhum.
Noter au passage comme ils parlent mal à leurs enfants, ne leur adressent la parole que pour les appeler, les chasser, ou les engueuler. L’autre jour avec D. nous avons entendu le bruit d’une bonne gifle en passant devant une maison… Cela se transmet de génération en génération, manifestement, car les gens évoquent souvent la dureté des parents à leur égard. Du coup les enfants sont un peu éteints, peu éveillés, un peu méfiants, et ne me plaisent guère.
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