Roura, 11 août.
Arrivé hier après-midi à Rochambaud, patienté deux heures en attendant que l’équipe soit au complet, puis chez B. à Roura. Ce matin, conversation avec B. à propos des opportunités de coopération. L’achat de la presqu’île de la Montagne d’Argent, à l’embouchure de l’Oyapock, par le Conservatoire du Littoral, donnerait l’opportunité à l’ICM Cabo Orange d’avoir un poste de guet pour surveiller les pêcheurs. B. a été pressenti pour assurer la logistique, comme il le fait déjà pour les missions scientifiques, il est appelé à faire six missions par an.
La question qui est principalement étudiée est la disparition progressive des crevettes : elles ont cessé de se reproduire dans les mangroves, et la surpêche ne semble pas être en cause. Mystère total.
Pour ce qui est du tourisme, il semblerait que Vila Velha et Primeiro do Cassiporé se soient réellement investis dans le Parc, qu’ils ont des écloseries, ont formé des guides, et un circuit se met en place qui passe par Regina, Oiapoque, Saut Maripa, puis Primeiro par la BR, pirogue jusqu’à Vila Velha, où les touristes rejoignent le Peixe Boi pour un tour à l’embouchure du Cassiporé. Tout cela se rode progressivement et le CDS de Brasilia suit toute l’affaire avec beaucoup d’attention, par le biais de la chargée de mission de l’ambassade, Caroline de Lelis (remplace Jean-Philippe Delorme, désormais dircom du parc Amazonien.
Concernant ce parc, le matériel est acheté, gros budget, mais l’équipe demeure à Cayenne et fait peu de missions de terrain (?)
Pour ce qui est du Parc Naturel Régional, connu pour sa faible activité autre que la communication, le référendum sur l’autonomie régionale a affaibli ses cadres et il devrait soit disparaître, soit être réorganisé.
Selon B., les autorités locales n’ont pas intérêt à voir se développer une activité économique qui menacerait leur équilibre budgétaire fondé sur la péréquation et l’assistanat. Je ne sais quelle est la réalité de cette réflexion, mais les initiatives locales sont davantage découragées qu’encouragées.
Nous partons pour St Georges dans une heure, j’espère y rencontrer Françoise.
Oiapoque, chez Rona, 11 août
Arrivés à Oiapoque, après pause déjeuner à St Georges chez Modestine. J’attendais de croiser Françoise, mais elle n’a pas fait d’effort particulier pour me voir. A trois heures, nous allons à l’embarcadère et tombons sur Françoise qui déjeunait chez Rona : surprise, émotion, et je pense qu’elle aurait pu me prévenir par texto qu’elle se rendait là-bas…
Le futur pont Brésil-Guyane:
Puis débarquement chez Rona, retrouvailles, nous attendons Kelly pour savoir de quoi nous avons besoin en termes d’équipement. Nous l’accompagnons à l’IBAMA pour rencontrer Ivan, Paulo, et charger quelques documents. Puis, balade en ville, achat de hamacs et moustiquaires (longues négociations, mais V. parvient aisément à ses fins). La ville est sans électricité, et l’ouverture de la Foire internationale de l’Oyapock est demain.
12 août : jour des provisions. Nous commençons, D. et moi, par aller interroger Sr Maia à la mairie dans le cadre du programme Oyapock de Philippe. C’est un Maranhense communicatif , secrétaire municipal aux infrastructures, qui nous parle de deux projets : le projet Casulo (chrysalide) qui consiste à distribuer des lots de 100 sur 200 aux ménages de la ville afin de garantir l’approvisionnement alimentaire. Les organismes en charge du recensement sont l’INCRA et la SPU (superintendência da Uniao) La ville d’Oiapoque est en effet extrêmement vulnérable : quand la route est mauvaise, il faut 40 heures de camion pour rejoindre Macapá, et les Indiens sont susceptibles de bloquer la BR156 en cas de conflit.
L’autre projet est celui d’une PCH (petite centrale hydroélectrique) posée à fleur d’eau à Saut Marripa. L’entreprise en charge du projet est Voltalia. Je ne sais quel est le degré de réalité de ces projets, car Maia travaille à la Mairie et pour tout cela il donne des dates d’ouverture très proches…
Quant aux Maranhenses, ils forment plus de 70% des migrants (Paulo du Tumucumaque m’explique que c’est une stratégie de Sarney d’inciter les Maranhenses pauvres à migrer afin que les latifundia du Maranhao soient épargnés.)
Parmi les 700 nouveaux arrivants recensés par l’IBGE, 400 étaient maranhenses, les autres paraibanos, etc…
L’assentamento de Carnot, par exemple, est composé exclusivement de maranhenses, qui alimentent les marchés locaux en produits de l’agriculture familiale. Lui-même est arrivé à 28 ans, pour travailler dans le garimpo ; comme souvent, il a commencé par envoyer de l’argent à sa femme, puis les contacts se sont rompus progressivement, a rencontré une autre femme, et finalement divorce litigieux. Son objectif premier, nous dit-il, était de se rendre à Miami.
Mais selon lui, le mouvement principal est vers le garimpo de Guyane, où en été évoluent entre 40000 et 50000 maranhenses. à requalifions cette information. Maia étant de la mairie, il ne mentionne aucune crise, tous les projets suivent un cours régulier. Mais Jonas, du magasin Midiã, me dit que la ville est en chute libre, très peu de mvt, à cause de la baisse du garimpo. Plus tard Françoise me dira qu’en réalité le garimpo de Guyane n’a pas baissé, simplement il ne transite plus par Oiapoque, mais par le Surinam, moins regardant désormais (le brésil a commencé à coopérer avec la France). Plus tard, Rona me dira que pour lui c’est tout bénef ; le fleuve Oyapock est sécurisé, on peut à nouveau monter des expéditions touristiques vers Saut Maripa. Intéressant de voir les dynamiques urbaines et la manière dont elles sont affectées par des politiques nationales ou internationales, et affectent différemment diverses catégories d’habitants.
Il nous explique l’expansion probable de la ville : à l’arrière, vers la forêt, l’extension d’Oiapoquezinho. Puis il y a le très vaste terrain de l’aéronautique (1116ha), au-delà de la BR, un des plus grands du Brésil, qui se tient entre Oiapoque et l’invasion de Vila Vitoria (en face de St Georges). Infraero est un des plus gros employeurs ici, en dépit du fait qu’il n’y a pas de ligne régulière. Selon lui, Vila Vitoria va poursuivre son extension en amont du fleuve pour rejoindre Oiapoque par la frange – même si il semble que l’extension se fasse plutôt par l’intérieur, par la forêt. Pourquoi Vila Vitoria a-t-elle pu se développer ? Parce que le propriétaire du terrain n’a pas pris la peine de se faire enregistrer, et n’a donc pu lancer procès pour reintegraçao de posse… Cette explication me paraît un peu fumeuse, mais qui sait ?
Quant à celle-ci, elle est condamnée : le seul plan de préservation concerne le Pantanarri), qui forme la frontière avec la ville de Clevelândia, et qui servirait de point d’alimentation en eau.
Concernant les mariages : en tant que juge de paix, sr Maia en a célébré plus de 60 dont il pense qu’ils sont des mariages blancs (des Français épousent des brésiliennes pour pouvoir acheter des terrains au Brésil)
Dans le bureau se trouve un homme silencieux à l’air grave, surnommé Baiano. Il s’appelle Erivaldo, a 45 ans. A quitté Teixeira de Freitas (sul Bahia) à 18 ans, de là à Campos ave son père, puis Vitoria, puis SP, puis Londrina (chamado por amigo), puis BH où il avait un oncle, puis Rondon do Para, près de Maraba, appelé par un ami, puis a connu un garimpeiro qui lui a suggéré de l’accompagner ici à Oiapoque, où il est depuis treize ans et travaille comme électricien, souvent pour la Mairie. Je lui demande comment on fait pour avoir des amis quand on se déplace tellement : il me dit qu'il n'a pas d'amis ici que les gens d’ici ne sont pas hospitaliers, il est un peu amer en évoquant ce sujet.
Rédigé par : |