Voici le genre de problème qui se pose à un directeur de département:
Hier, un lecteur d'espagnol (fort sympathique par ailleurs) ne se présente pas à ses cours. Le soir, notre secrétaire reçoit un mail: "je pars, ce travail n'est pas pour moi". Je le comprends parfaitement, mais le problème est qu'il ne s'agit pas, formellement, d'une lettre de démission.
Nous ne pouvons lancer la procédure de recrutement tant que notre ami ne démissionne pas. Or il a résilié son contrat de téléphone, ne répond pas aux mails, etc.
Au bout du fil, j'ai une jeune candidate qui conviendrait parfaitement, mais à qui je dois offrir quelques garanties si je veux qu'elle quitte l'Espagne dans la semaine et prenne ses fonctions.
Je dois donc en référer au Président pour qu'il entérine la situation d'abandon de poste, et le signaler à ma correspondante du service du personnel qui part en vacances, pour une semaine, tout à l'heure.
Huhu: des nerfs d'acier et une barrique de rhum.
MàJ 19h: il s'est présenté tout à l'heure un autre cas subtil. Une collègue m'informe que la Faculté de Droit, où nous intervenons ponctuellement, lui a attribué un cours à des heures impossibles, et qu'elle refuse en conséquence de l'assumer.
Notre secrétaire de département m'explique que sa correspondante de Droit est mal lunée, et qu'elle préfère que ce soit moi qui l'appelle. Et en effet, la secrétaire en question me reçoit fort mal, élève immédiatement la voix. Pour l'apaiser, je lui expose que je l'appelle précisément pour que nous résolvions ensemble ce problème, en une formule de communiquant: "ce problème est le mien, et c'est aussi le vôtre. Nous avons donc tout intérêt à le régler au mieux, de part et d'autre".
Elle s'adoucit, mais ma collègue à moi, celle qui est insatisfaite de l'horaire proposé, ne propose rien en échange. J'interromps alors la conversation pour me tourner vers elle: "Lorsqu'on négocie une solution, il faut soi-même garder en réserve une solution de rechange, sinon on ne se trouve plus en négociation. Si je veux obtenir de cette secrétaire qu'elle te trouve un horaire adapté, il faut que, de toi-même, tu lui proposes des plages horaires plus importantes sur d'autres jours, sinon je ne fais rien d'autre que brasser du vent." C'est une formule que je tiens d'un de nos ministres des Affaires Etrangères, Hubert Védrine, qui disait peu ou prou: "Négocier, ce n'est pas camper sur ses positions en annonçant d'emblée qu'on ne lâchera rien."
Je lui demande de réfléchir vingt minutes et de me faire part de sa décision. Elle revient en proposant un éventail d'horaires plus large que le précédent. J'ignore comment l'affaire a été résolue car j'étais sur le départ, mais il est intéressant de voir comment les schémas de négociation diffèrent totalement lorsqu'on s'adresse à un pair ou à un membre de l'administration...
fingerz in ze noze!
Rédigé par : Dr. CaSo | mercredi 15 sep 2010 à 15:44