Parmi les formes d'expression les plus en vogue figure certainement le meurtre.
On parlait de crime parfait, on parlera dorénavant de crime "très réussi", avec de petits revolvers indiquant la valeur relative que lui accordent les critiques: "Très bon crime, à ne pas manquer"; "un crime innovant par bien des aspects". Ainsi Richard Millet a-t-il suggéré que la tuerie accomplie par Breivik ne pouvait être pleinement comprise sans le manuel explicatif de 1500 pages que ce jeune homme a aimablement laissé. Une part de la beauté du crime résiderait ainsi dans ses motivations.
Dans l'art contemporain, en effet, l'oeuvre forme système avec le discours qui l'accompagne. On pourra ainsi reprocher à Hitler d'avoir rédigé un Mein Kampf trop allusif, en décalage avec l'oeuvre - proprement hugolienne - effectivement produite.
Dans le cas des tournantes complaisamment filmées, en revanche, l'intention esthétique pèche par la réalisation. Les viols ayant lieu, le plus souvent, dans des caves et autres recoins mal éclairés, le résultat final est difficilement lisible, et sans doute les apprentis-cinéastes gagneraient à se faire aider, non de complices, mais de chefs-opérateurs. L'Ecole Louis-Lumière pourrait ainsi proposer des formations courtes permettant aux jeunes violeurs de produire de véritables oeuvres d'art, à l'image de ces formations au maniement des armes organisées à Kandahar.
La chance, l'inspiration, ne doivent pas être négligées. Certes, des tueries longuement planifiées, avec achat de vêtements ad hoc, tels les manteaux longs des meurtriers de Columbine, révèlent une beauté intrinsèque, où le projet artistique, longuement mûri dans l'austérité d'une salle de jeux vidéos, fait se pâmer les critiques et suscite des vocations. Mais n'oublions pas ces artistes improvisés, tel ce jeune homme qui, le jour où il obtint son permis de conduire, faucha 17 cyclistes. L'usage d'une voiture au lieu d'un fusil à pompe trahissait un louable désir d'originalité, tel Pollock usant du pinceau comme d'un projectile.
Bien des gens ont des difficultés à comprendre la beauté de tels meurtres de masse, et appellent la police ou refusent même de se faire tuer. L'art contemporain, on le sait, est en butte à de multiples incompréhensions, et c'est la force de l'artiste que de persévérer, chercher toujours à éclairer, éclaircir ses intentions. On a mieux apprécié les meurtres de Mohamed Merah après qu'il s'en fut expliqué auprès des critiques d'art du RAID. Qui sait quels chefs d'oeuvre il eût pu accomplir, doté d'un meilleur équipement? Une Clio, un scooter: les artistes contemporains ne roulent pas sur l'or, c'est le moins qu'on puisse dire. Ils meurent souvent avant de recevoir les sommes énormes que leur promettent les revues spécialisées que sont l'Express, ou le Point, ou Paris-Match... Des financiers véreux profitent de ce que les crimes sont libres de droits pour produire des pièces de théâtre ou des films, alors que les familles des meurtriers pourraient prétendre à un petit pourcentage sur les bénéfices.
Les critiques, en tous cas, sont unanimes. L'artiste, seul contre tous, armé de son seul art et d'une arme de poing, sa cartouchière faisant office de palette, n'a nul besoin de centres culturels ou de lieux d'exposition. Son expression - l'expression de son mal-être, de son légitime agacement - se doit d'être explosive et cela en tous lieux. C'est à nous, les cibles potentielles, de mieux comprendre et d'apprécier.
Magnifique!
On devine en vous un admirateur du chef d'oeuvre de Thomas de Quincey: De l'assassinat considéré comme un des beaux-arts.
Rédigé par : Elias | samedi 08 sep 2012 à 20:48
un retour en pleine forme!
Rédigé par : Alin | jeudi 13 sep 2012 à 12:42
Welcome back
Rédigé par : JX75 | jeudi 20 sep 2012 à 08:40