Un très intéressant article de Nicolas Chevassus-au-Louis, publié dans Le Monde, rend compte du dernier ouvrage de Bruno Latour, Enquête sur les modes d'existence.
Il en cite un extrait:
"Devant la ruine des institutions que nous commençons à léguer à nos descendants, suis-je le seul à ressentir
la même gêne que les fabricants d'amiante visés par les plaintes au
pénal des ouvriers victimes de cancers du poumon ? Au début, la lutte
contre l'institution paraissait sans danger ; elle était modernisatrice
et libératrice - amusante même - ; comme l'amiante, elle n'avait que des
qualités. Mais comme l'amiante, hélas, elle avait aussi des
conséquences calamiteuses que nul n'avait anticipées et que nous avons
été bien trop lents à reconnaître."
Sans extrapoler la pensée de Bruno Latour, on peut observer que son premier livre à succès, Nous n'avons jamais été modernes, n'a pas peu contribué à établir que la science, telle qu'elle se fabrique, se conforte ou disparaît, est un objet produit par les scientifiques, dans le monde confiné des laboratoires ou des cercles savants. Ainsi en va-t-il des bonnes idées: des foules de suiveurs sans imagination ont popularisé les idées latouriennes en les vidant de toute portée heuristique. Les sciences sociales tenaient leur revanche: les physiciens, les biologistes et les climatologues n'étaient après tout que des naïfs, ignorant que leurs productions scientifiques étaient la simple résultante de certaines configurations sociales, à un moment donné de l'histoire.
Ainsi put s'ancrer et prospérer un courant relativiste attaquant les résultats scientifiques de toute part, par gloriole ou par intérêt. Le climatoscepticisme trouve ses racines dans un lobbying bien rodé; mais l'écho trouvé par les thèses des sceptiques a bien son origine dans la caution apportée par la sociologie des sciences à l'ébranlement de l'institution scientifique, à ses modes de régulation et de validation.
Voici trois notes publiées sur le sujet:
A propos de Nous n'avons jamais été modernes ; à propos de l'affaire Sokal ; à propos du climatoscepticisme.
Rédigé par : |