Exercice de dénigrement en règle de cette pauvre France: "C'est nous qui vendons des Rafale à la dictature de Sissi", "C'est nous qui pillons l'Afrique et renvoyons ses migrants", "C'est nous qui nous plions aux diktats de l'Arabie Saoudite parce qu'elle nous vend du pétrole". "C'est nous qui polluons la Chine en exportant nos entreprises"...
Je sature et me pose la question: qui est "nous"? A quel moment ai-je voté pour quelqu'un dont le programme mentionnait qu'on se coucherait devant l'Arabie Saoudite? Que l'on vendrait des armes à des pays explosifs? Jamais, je n'ai jamais voté pour cela. Tout ces "nous" sont nos dirigeants. Ce qu'ils font de répréhensible, au nom de qui le font-ils? Pas en mon nom, ni en le vôtre.
Voici la démocratie subvertie. Celle qui se dit représentative mais dont l'essentiel de l'action se joue dans un cercle restreint, pour des intérêts privés. Qui d'entre nous n'a pas éprouvé la honte d'être Français quand on tolère qu'un potentat sanguinaire soit reçu en grande pompe et monte sa tente dans les jardins de l’Élysée? Et devant ces circuits de corruption qui maintiennent aux pouvoir, en Afrique, des amis de la France qui vampirisent leur pays? Les exemples sont innombrables. Mais ce n'est pas à nous d'avoir honte. C'est à ceux qui claironnent qu'en aidant des multinationales on relance la croissance et l'emploi.
Ceux qui demandent aux Français des efforts au travail ou à la recherche d'un emploi, qui légifèrent sur le stationnement dans un hall d'immeuble, mais qui face à des salaires stratosphériques se disent impuissants. Ceux qui dépècent les biens de l’État, les nôtres, pour les revendre: un hippodrome par-ci, une autoroute par là, et qui aujourd'hui investissent notre argent dans des projets qui engraisseront des groupes privés - un aéroport par-ci, un EPR par là. A nous d'investir, en tant que contribuables, dans cet argent dilapidé, qui ne nous reviendra pas, dans cet environnement dégradé, privatisé.
Privatiser les profits, socialiser les pertes, sociales, environnementales: l'essence du néo-libéralisme est là. Les gouvernements, aujourd'hui, se soucient de gérer cette subtile transfusion, de faire passer cette spoliation collective comme étant nécessaire à la compétitivité. Notre ministre de l'agriculture défendant jusqu'au bout les néo-nicotinoïdes au motif que les agriculteurs français seraient pénalisés à l'exportation - suivant un argumentaire dicté par un grand patron de l'agrobusiness, représentant d'une fédération d'agriculteurs qui a distillé du pesticide dans toutes les rivières, les champs et les forêts, et dans ce que nous mangeons.
C'est un sablier que l'on retourne sans cesse: d'un côté, notre pouvoir collectif s'écoule, étranglé, pour que d'autres accumulent des capitaux qui ne nous reviendront jamais - partis au Panama ou ailleurs, ou dans la ludothèque d'une petite commune au maire corrompu. Quand on retourne le sablier, voici les externalités qui nous retombent en pluie sur la tête: misère, précarité, pollution.
Un mouvement comme Nuit Debout s'effilochera peut-être, mais il n'est qu'un symptôme de ce que "nous" avons cessé de tolérer. Nos représentants élus, lorsqu'ils deviennent des représentants de commerce pour Dassault, Airbus ou Areva, cessent de fait de nous représenter, ou de représenter la France.
Donc, je le répète, ce n'est pas "la France" qui vend, magouille ou pille. Ce n'est ni vous ni moi. Ce sont ceux qui ont trahi la République, la dévoient, et pensent qu'au fond nous partageons ces idéaux de crétins avides de gagner plus de fric.
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