Mercredi. Nous sommes rentrés à Laranjal do Jari. Notre budget étant épuisé, nous décidons de nous installer dans les locaux de la SEMA, où Roberto nous fait bon accueil. Sur le chemin du retour, le sergent Morais de la Police Militaire nous demande insidieusement si nous n’aurions pas prélevé quelque spécimen de la flore ou de la faune. Nous lui expliquons avoir ingurgité un grand nombre de noix du Brésil, ce qui les rend inexploitables.
François décide d’appliquer un questionnaire « acteur » à Roberto, tandis qu’Anna et moi allons interviewer Noella Markstein, la responsable de l’IBAMA (Institut Brésilien de l'Environnement) en charge de la Station Ecologique Jari (ESEC Jari). Une Station Ecologique, contrairement aux Parcs Nationaux, n’est pas ouverte au public, sauf à des fins de recherches ou d’éducation environnementale. L’ESEC Jari est majoritairement située dans l’Etat de Pará, mais une pointe, situé en Amapá, pénètre la RDS Iratapuru. Il n’y a pas de conflit territorial mais une partie de la RDS est soumise à un statut spécial, celui de « zone d’amortissement » ou zone tampon : les activités humaines sont fortement réglementées jusqu’à 10km des limites de la Station.
Noella nous explique que la famille Castelo, après son expulsion, est venue solliciter auprès de l’IBAMA l’autorisation d’exploiter les fruits du Camu-Camu sur la partie du Jari incluse dans l’ESEC. Comme la station n’a pas encore achevé son plan de gestion, et plutôt que d’entrer dans des démarches bureaucratiques lourdes et interminables, l’IBAMA leur a concédé officieusement l’accès, car il s’agit d’une activité à faible impact.
La station écologique a pour particularité de se trouver à la limite du bouclier des Guyanes et du bassin sédimentaire de l’Amazone : une longue falaise marque cette limite sur toute la longueur de la zone. Malgré cette singularité, l’ESEC Jari ne bénéficie pas du financement ARPA (Aires Protégées d'Amazonie) comme c’est le cas par exemple du Parc National Tumucumaque ou du Parc National Cabo Orange. C’est désolant, car l’IBAMA n’a pas les moyens, ici, de financer des inventaires biologiques alors même que la forêt est particulièrement riche et préservée. Noella confesse également son malaise lorsqu’il s’agit de « surveiller et punir », c’est-à-dire lorsqu’elle doit intervenir dans des implantations récentes qui débutent par des abattis.
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