12 juin (mardi) : Au matin, nous cherchons un transport pour Laranjal où nous attendent José Reinaldo et Anna Greissing, arrivée depuis dix jours. La distance est courte (250 km) mais la route est très mauvaise. Le bus met entre 9 et 11 heures, aussi souhaitons-nous emprunter un fretado, une voiture affrétée. Pas de voiture en vue toutefois : Chico le Pirate, qui nous a été recommandé, se trouve justement à notre point de destination et attend des passagers avant d’entreprendre le voyage du retour. Comme nous ignorons ce qui lui a valu ce surnom, nous n’insistons pas outre mesure.
Alors que nous cherchons une solution dans le patio de la pension, nous recevons la visite de Carlos Henrique, agronome, consultant de la IESA ( ?) et de l’IBAMA, qui nous remet un document pour José Reinaldo : il s’agit d’une étude sur les indicateurs sociaux et leur mise en œuvre. Apprenant notre problème, Carlos Henrique nous indique un transporteur de confiance, Luciano, qui une fois contacté nous promet un départ à 13h. L’article que nous a transmis Carlos Henrique tombe à pic : JANUZZI Paulo de Martino (SD) “Indicadores sociais no Brasil : conceitos, fontes de dados e aplicações”, Alínea editora.
Résumé : La planification locale et participative débute au Brésil dans les années 80, et entraîne la mise au point d’indicateurs de mesure et d’évaluation. Définition : « Un indicateur social est une mesure généralement quantitative dotée d’une signification sociale substantive, utilisée pour substituer, quantifier ou opérationnaliser un concept social abstrait, d’intérêt théorique (pour la recherche académique) ou programmatique (pour la formulation de politiques). »
Les indicateurs sociaux sont fondés sur les statistiques publiques, qui sont des données brutes, que l’on réorganise en fonction des théories sociales qui orientent l’action publique.
Il existe divers systèmes d’indicateurs : celui de l’OCDE prend en compte la santé, l’éducation, l’emploi, l’accès à la consommation, la sécurité personnelle, les conditions de logement et de vie, les loisirs, la participation sociale. Celui de l’ONU inclut la population, la santé, l’éducation, l’activité économique, le revenu, le patrimoine, l’usage du temps, la sécurité publique, la mobilisation sociale, la culture, les communications, les loisirs. Celui d’HABITAT enfin (j’ignore ce que c’est, mais je ne crois pas qu’il s’agisse d’une chaîne de magasins) : usage du sol urbain, l’habitat, l’environnement, le développement sociologique-économique, les transports urbains.
Les "conditions de vie": on traduit cet indicateur en termes de niveau de satisfaction des besoins matériels de basse pour la survie et la reproduction sociale: la santé, le logement, l'éducation, nb de médecins, tx de décès, tx d'inscription scolaire, nb d'habitations reliées au réseau d'égout et d'électricité, tx de chômage. Les critères objectifs et subjectifs peuvent diverger, par exemple sur la question du logement - confort mais tx de satisfaction bas...
12 juin au soir, Monte Dourado (Etat du Pará) : Le voyage a finalement duré plus de six heures (en comptant une crevaison) ; les 200 premiers kilomètres sont agréables : la route est bonne, et parcourt durant près de trois heures un paysage vallonné de savanes (le cerrado) verdoyantes, car les pluies viennent juste de s’achever. Il existe très peu d’implantations humaines : le relief interdit la culture du soja, et seuls quelques panneaux indiquent que nous traversons la réserve extractiviste de la rivière Cajari, dédiée à la collecte de noix du Brésil. Les cinquante derniers kilomètres traversent la forêt dense (ombrophile primaire) et la route est étroite, semée de nids de poule ressemblant fort à des nids de brontosaure : la voiture s’y enfonce jusqu’aux essuie-glaces, et l’eau gicle en tous sens. Nous sommes arrivés juste à temps pour le dîner en compagnie d’Anna et de Reinaldo qui nous attendaient au restaurant Sabor Nativo ; les serveuses débordées ignoraient nos demandes et frustraient nos appétits, cela parce que nous avions préféré nous asseoir en terrasse afin d’éviter, par souci de durabilité, l’air conditionné. La ville de Monte Dourado appartient à la Compagnie Jari Celulose, membre du groupe ORSA, y compris ce restaurant et l’hôtel où nous sommes logés. Cela a-t-il une incidence sur l’amabilité des employés ?
Les questions que nous nous posons, une fois la commande passée, sont les suivantes : comment expliquer la contestation territoriale entre la Cie Jari et l’Etat d’Amapá si, au moment de l’acquisition de terres par les entreprises l’ayant précédé (Ludwig entre autres), l’immense majorité du territoire de l’Amapá appartenait à l’Union (l’Etat Fédéral brésilien) ? Existe-t-il une instance de représentation de l’entreprise Natura à Laranjal ou à Monte Dourados ? Est-il nécessaire de repousser notre départ pour la RDS afin de rencontrer, ici-même, le président de la COMARU, le jeune Eudimar dit Nego ?
1: Crevaison sur la route de Macapá à Laranjal. Photo FK
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