Ouf ! Nos bloggeurs silencieux n'étaient donc point aphones ni agraphes : deux d'entre eux ont vivement réagi, confirmant toutefois qu'ils se situaient plutôt du côté de l'otium que du negotium.
Pour ma part, après m'être laissé emporté par les brumes mélancoliques de Tanguera de Mariano Mores, tango sublime (taaaa-daadidaaa-da), et qui me fait songer à M. la jolie, j'ai décidé de rédiger enfin le rapport que je dois au CNRS après un an de délégation.
J'ai donc relu le projet déposé en janvier 2007 (constructions territoriales, globalisation et communalisation) puis épluché les archives (lettre d'acceptation, ordres de mission, etc..) et je me suis rendu compte d'une chose : la réponse positive du CNRS à ma demande m'est parvenue fin juin 2007, moment où, n'espérant plus rien, j'avais réaménagé mon année comme une année normale, avec enseignements et séminaires.
Puis, comme mon premier terrain se déroulait d'août à novembre, je n'ai pu présenter de demande de mission au labo qui m'accueillait (deadline : septembre), donc tous les terrains 2008 sont tombés à l'eau.
J'annonçais que j'étudierais de près le rituel du Turé à Kumarumã mais avec cette histoire de possession démoniaque le pajé a tout annulé (après que je lui ai tout financé, bien sûr - voir octobre 2007).
Dernier point à faire figurer au rapport : la délégation est censée permettre à un pauvre enseignant-chercheur écrasé sous son bât de renouveler ses méthodes et ses enseignements grâce à de stimulants débats, qui viendront enrichir les cours dudit enseignant.
Résultat : zéro invitation à des séminaires (car programmes des séances bouclés avant acceptation de la délégation par le CNRS) et à mon retour à l'université mes collègues m'ont mitonné un programme consistant en donner des cours de langue, donc pas exactement ce qu'on appelle "valoriser le potentiel d'enseignement". J'en ai discuté avec A.E. l'autre jour, elle-même ayant bénéficié de quatre ans de détachement à l'IRD, et à son retour en fac elle découvre qu'on lui a collé exclusivement les TD de 1ere année "Méthodologie du travail universitaire". Donc la pratique des représailles semble généralisée : amis maîtres de conférence, méfiez-vous de ces appétissantes baballes qu'on vous envoie chercher.
Si l'on y pense, il est quand même fou que l'on soit incapable de se projeter à plus de quelques mois de distance. Ce que je fais aujourd'hui n'a rien à voir avec ce que je projetais de faire il y a un an. Cela tout simplement parce que nous sommes condamnés à l'opportunisme avec le système de financement sur projet. Les deux mois passés à plancher sur le projet de V., "Gouverner, administrer", n'ont servi à rien puisque V. en a eu marre et nous a tous envoyés paître comme des élèves chahuteurs, et je me retrouve désormais impliqué dans un énorme projet de gestion de la biodiversité à la frontière Brésil/Guyane, projet ambitieux mais n'ayant pour fonds propre que 20.000 euros (soit une demie-mission par chercheur). Je crois qu'il faudra nous résoudre à donner dans le trafic d'animaux sauvages pour financer nos recherches. Une grenouille dendrobate = 2 mois de salaire de chercheur, un ara hyacinte = un an de frigo rempli (un frigo de chercheur).
PS : parcourant "l'actu en patates" de Martin Vidberg je tombe sur cet hilarant dessin.
POINT DU JOUR : Il est 20h. Je n'ai rien foutu de la journée sinon écouté des tangos, fait une compil des plus beaux au cas où j'en viendrais réellement à fêter mes quarante ans (ma cavalière officielle fait chuter et remonter la cote. Nous en sommes à 8 contre 1). Lu quelques pages au sujet des nimravidés et amphicyonidés (chiens-ours), constaté que les entélodontes remontaient à l'Oligocène et point au Miocène comme je le suggérais... Bref, journée couette, où les relents de grippes se mêlent à des bouffées nostalgiques - repensé à mes tangos avec la petite Garance qui a eu cinq ans en avril, que je n'ai pas revue depuis... Vives inutilmente triste, y sé que nunca mereciste pagar con pena la culpa de ser buena, tan buena como fuiste por amor. (Ce n'est pas tout à fait moi, mais c'est une belle valse)
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