Emergeant de ma sieste, je me suis senti pétri d'angoisse. Impossible de l'apaiser par skype, Stéphanie trop lointaine, Anna pas rentrée, etc.
J'ignore si cet état est dû à la fatigue, à l'incertitude des analyses médicales, ou à quelque affront mal lavé.
Comme d'habitude, je me tourne vers Stendhal, et je tombe sur ce passage où Julien, rejeté par Mathilde, se trouve "trop malheureux et trop agité pour deviner une manoeuvre de passion aussi compliquée"...
C'est un passage bien étrange dans cet ensemble épique qu'est le roman. Julien avance tambour battant tout au long du récit; voilà qu'à cet instant il doute profondément de lui-même et du sens qu'il donnait à son ascension. Il ira même confier son destin à un officier russe qui lui donnera des lettres à recopier, à l'attention de la Maréchale de Fervaques.
Dans sa flagellation, Julien adopte ce qu'il croit être le point de vue de Mathilde:
"Elle l'avait aimé lui, mais elle avait connu son peu de mérite.
Et en effet, j'en ai bien peu! se disait Julien avec pleine conviction; je suis au total un être bien plat, bien vulgaire, bien ennuyeux pour les autres, bien insupportable à moi-même. (...) Et dans cet état d'imagination renversée, il entreprenait de juger la vie avec son imagination."
Julien émergera brièvement de cette torpeur en entendant sonner l'heure qui lui rappelle que l'échelle est en place, et qu'il suffit d'y monter pour retrouver Mathilde.
Je ne sais si l'on peut extraire de cela quelque loi indiquant que l'horloge est amie de l'homme d'action. Dix heures: saisir la main de Madame de Rênal. Une heure: monter à l'échelle jusqu'à la chambre de Mathilde.
Chaque fois que son esprit est crispé, chaque fois que les conséquences possibles de ses actes viennent s'immiscer entre ses actes et lui, vient battre l'heure qui lui indique la chose à faire, la seule chose qu'il ait à faire.
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