Colloque "Tournant animaliste" au Collège de France.
J'y suis allé par acquit de conscience et pour rencontrer un collègue australien.
L'avant-dernière intervention, celle de Jean-Pierre Digard, m'a beaucoup frappé. Je ne m'attendais pas à autre chose, mais son papier ressemblait plus à un billet d'humeur parlant de "radicalisation des mouvements animalitaires", ces mouvements s'étendant, dans la logique de son argumentation, aux chercheurs en SHS s'intéressant aux animaux. Il s'élève dans la foulée contre "ces chercheurs européens qui veulent établir des critères de bien-être pour les animaux d'élevage - satiété, sommeil - qui manquent à un bon tiers de l'humanité".
Aborde ensuite la question des "philosophes écolo-animalistes" - c'est-à-dire Peter Singer, dont il cite les disciple: Chapouthier, Burgat, etc. Puis c'est au tour de Lestel qui a pour tort de critiquer "le propre de l'homme". Il parle d'une "lente dérive, entrecoupée d'éclairs de lucidité".
Ironise sur les colloques tenus sur l'animal, en particulier celui de Vinciane Despret, à Cerisy.
Il estime que l'ouvrage de Descola, Par delà Nature et Culture, fait le lit des extrémistes de tout poil, car il réintègre différents ordres de vivants dans le champs de la société.
Puis c'est au tour de Piette et de sa phénoménographie, de Michalon et de son anthropozoologie, et finalement c'est à moi qu'il s'en prend, disant que mon programme, qu'il qualifie "d'anthropologie des sous-humains", n'a "fort heureusement pas trouvé preneur".
"L'animalisme finira par reculer devant les évidences" assène-t-il.
Ce qu'il reste de ce colloque au Collège de France? L'impression déplaisante que le lieu sert de tribune à des positions intitutionnelles, et non scientifiques. Que des intervenants de Normale Sup ou de l'Ehess ont parole autorisée non du fait des idées qu'ils défendent, mais de la position d'où ils les défendent.
A les voir ainsi en groupe, aucune envie de répondre, d'intervenir. Je cherche, j'avance, j'interroge, sans protecteur et sans parapluie institutionnel. J'ai beau construire mes idées et ma méthode je suis moins crédible que ces mandarins qui en sont dispensés. On les invite ès qualités, et c'est le mot même de qualité qui est ici galvaudé.
Donc ce soir j'irai me coucher avec une légère nausée.
Est-ce qu'il y a un endroit sur internet où lire "votre programme" sur ce sujet ?
Rédigé par : mkd | vendredi 24 juin 2011 à 23:10
[HS]Vous imaginez la position des chercheurs dans le domaine des productions d'énergie ?[/HS]
Je comprends votre nausée, je salue votre résistance.
Je l'admire, même, moi qui à votre place ne trouve d'autres moyens que les insultes et les poings dans la gueule.
Pourquoi ne pas écrire une fable "moderne" de ces animaux qui s'ignorent, qui se nient, qui se vautrent ? Vous en avez le talent ! Et la férocité !
Rédigé par : nonos | samedi 25 juin 2011 à 10:25
@mkd: il suffit de cliquer sur la catégorie "Programme Animal" dans la colonne de droite. Inutile de vous dire que le terme "sous-humains" n'y figure pas.
@nonos: Le fait est que je suis prêt à débattre avec n'importe qui. Mais la mise en scène de la position d'autorité, ici, était si parachevée, les questions et commentaires repoussées à la fin de la séance, qu'il était inutile de se fatiguer. Et puis, cela me permet de me remettre en cause, il faut bien le faire de temps en temps...
Rédigé par : anthropopotame | samedi 25 juin 2011 à 10:53
Il a vraiment parlé "d'anthropologie des sous-humains"? Ça fait un peu nazi, non? Übermensch, untermensch et tout ça...
Tout le talk que vous décrivez a l'air d'un argumentaire financé par l'industrie agroalimentaire pour éviter qu'on rogne leurs marges. Vous êtes sûr que ce prof n'est pas par ailleurs consultant pour un lobby quelconque?
Sur la mise en scène de la position d'autorité: j'ai également souvent l'impression que les choses se font par cooptation selon le labo auquel on appartient et ceux que l'on fréquente là où il devrait y avoir des procédures de sélection claires.
Rédigé par : Hady Ba | dimanche 26 juin 2011 à 00:12
Hady Ba, je crois en effet qu'il y a de l'agroalimentaire là dessous - voir note d'aujourd'hui "un grand seigneur méchant homme"...
Rédigé par : anthropopotame | dimanche 26 juin 2011 à 14:59