Depuis quelque temps je m'intéresse à l'art militaire.
Cet art offre un paradoxe intéressant: vue de l'extérieur, la guerre est synonyme de violence, injustice, sang versé, souffrances sans fin.
Mais vue de l'intérieur, elle n'est qu'une succession de problèmes ponctuels à résoudre: questions de projection, de logistique (transport et approvisionnement), de maîtrise du terrain, les mêmes questions se posant différemment pour la stratégie navale.
Pour faire coïncider ces deux aspects, on invoque l'éthique. Le questionnement éthique est là pour concilier le caractère totalement pragmatique de l'art militaire (y compris lorsqu'il s'agit, par exemple, de répandre la terreur parmi les populations), et la prise en compte de la souffrance, de l'impact des destructions, des retombées économiques, écologiques, démographiques, de cette pratique si concrète qu'est la guerre.
Or il existe une activité d'un autre ordre, tout aussi pragmatique, et générant tout autant de souffrance, et à plus long terme, que la pratique guerrière.
Il s'agit de l'activité économique, lorsque celle-ci se limite à maximiser les profits, à investir en n'ayant à l'esprit rien d'autre que le retour sur investissement.
Les Etats ont bien conscience, s'agissant de la guerre, qu'il faut légiférer à son sujet, garder les militaires en réserve, et n'y faire appel qu'en ultime recours. S'agissant des marchés, en revanche, il semble aller de soi qu'on doive jalousement veiller à leur liberté, non pas à la nôtre. L'Etat s'engage envers eux, leur garantit toute latitude d'action, acquiesce, fléchit, s'agenouille.
Voilà certainement une question dérangeante, que celle de l'éthique, invoquée à tout instant dans l'art guerrier, et piétinée chaque jour dans les salles de marché.
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