Copier-cloner from louis rigaud on Vimeo.
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Ce n'est pas le tout mais il faut donner des signes de vie.
Je suis retourné en Bourgogne pour le week-end. Ce devait être un séjour de travail mais mon état ne me permettait pas de socialiser: hyper-conscience de soi, défaut d'attention, nombrilisme morbide.
Dans ces moments je pense à la conclusion de la Conscience de Zeno: "Un jour un homme plus malade que les autres se faufilera jusqu'au centre de la terre pour y poser une bombe d'une puissance jamais atteinte. La planète continuera alors son parcours silencieux, débarrassée des parasites et des maladies."
J'ai assisté à la dernière représentation d'une pièce comique, "Tout bascule", assez drôle, d'autant que le théâtre amateur offre en prime le plaisir de voir des gens qui s'amusent en jouant, devant un public complice. Après la pièce, dans la salle vidée de ses spectateurs, les acteurs et leurs proches célébrèrent leur succès jusqu'à fort avant dans la nuit. Je connais ces moments où il en coûte de se défaire du maquillage et des costumes, où l'on veut prolonger ces instants d'entre-deux, où l'on est encore, ou à moitié, le personnage que l'on jouait.
Je ne pus m'empêcher de demander ce qui diable pouvait les pousser, les habitants du village, à provoquer des motifs de commémoration alors qu'ils passent de longs moments ensemble. Apéros, dîners, promenades...
C'est qu'il faut autre chose pour être ensemble. Comme en cercle il nous faut des jeux, des animations, des activités pour maintenir le groupe.
Mon total désintérêt pour toute forme de jeu fait que je considère ces réunions comme étranges, extraterrestres. J'ai le sentiment alors que je deviens une sorte de parasite proliférant sur la sociabilité des autres, mais n'en tirant aucun parti, si ce n'est quelques notes.
Comme le héros des Notes du souterrain, allant et venant, jetant des regards furieux, à l'hôte d'une fête où il s'est invité.
RECUEILLEMENT
Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.
Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici,
Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées ;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant ;
Le Soleil moribond s'endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.
Charles BAUDELAIRE, Les Fleurs du mal (1857)
Bonne vie parmi les étoiles et les sphères, cousine.
Je ne sais ce que vous pensez de cette campagne, mais je comprends la montée de Jean-Luc Mélenchon.
Hollande à Paroles de candidat: esquivant toujours, débit mitraillé... Face à lui, Copé s'interrogeant sur le chômage provoqué par l'arrêt du nucléaire - comme autrefois on s'interrogeait sur l'industrie du tabac ou de l'amiante. Le même Copé assumerait-il sa tranquille assurance après un Fukushima français?
Bref, vieilles recettes, ajustements à la marge. Pas de procès à ceux qui ont enrichi la Chine en délocalisant. Rien sur l'environnement. Eh oui les campagnes précédentes ont usé les bonnes idées: la fracture sociale, on ne peut plus en parler. La fin des allocations familiales, on n'en parle pas. "Elle a eu son quatrième enfant et est menacée d'expulsion... N'a pas payé son loyer depuis 2008". "Trois soeurs écrasées sur l'autoroute... Expulsées du train... Un de leurs frères témoigne..."
Il devrait sauter aux yeux qu'une société surpeuplée ne fonctionne plus. Ni travail ni logement pour tous. En admettant qu'il y ait du travail et du logement pour tous, adieu les arbres, adieu les rivières. Plus de centrales, plus de zones commerciales, plus de parkings et de lotissement. Nous sommes enferrés comme une famille nombreuse dans une chambre d'hôtel.
Bah, cette morosité passera. J'ai fait un saut dans la seule campagne qui m'intéresse: mon jardin. Les oeufs commençaient à éclore; je pense qu'il s'agit de grenouilles rousses. Petite heure assis au bord de l'eau, le chat sur les genoux. Quand ce n'était pas le voisin qui hurlait, c'était son chien, sa femme ou ses enfants. Pour compenser je me suis acheté des CD de chants d'oiseau. Planté des tomates aussi, et du persil. J'attends de voir ce que donneront les fruitiers. Sans doute un jour tuerai-je mon propre cochon et le fumerai-je moi-même, définitivement sorti de tous les circuits.
Il devient de plus en plus difficile d’échouer à l’université : les éternels étudiants s’en désolent. Les systèmes de compensation, toujours plus efficaces, s’étendent désormais du semestre à l’année, et bientôt à l'ensemble du cursus. En trois ans, l’affaire est réglée, hop hop, et l’étudiant se retrouve à battre le pavé, son diplôme acquis, les portes de l’université lui étant désormais fermées.
Il peut donc être utile de dispenser quelques conseils aux irréductibles des fonds de classe, ceux qui ne se résignent pas à cette qualification-express, et souhaitent faire durer l’expérience autant que faire se peut.
1) N’ASSISTER QU’A UN COURS SUR DEUX (ou trois) et surtout NE PAS LES RATTRAPER. Mieux vaut ne pas importuner les camarades assidus, de crainte d’être contaminé.
2) NE PAS POSER DE QUESTION. C’est le meilleur – et peut-être le seul – moyen d’être sûr d’emporter ses doutes à la maison. Pourquoi douter de son savoir d’ailleurs ? Préférez toujours une tête bien faite et une solide confiance en vous-même.
3) MONTRER QUE L’ON S’ENNUIE. L’air intéressé, même s'il est feint, risquerait en retour d’intéresser l’enseignant à votre sort, et vous seriez l’objet d’une vile sollicitude, difficile à supporter.
4) CONSIDERER QU’UN COURS EST CONSTITUÉ DE PARTIES IMPORTANTES ET D’AUTRES NON. Apprenez à faussement distinguer des idées prioritaires, le reste n’étant selon vous que du blabla. Ainsi, vous ne remplirez qu’une demie page de notes, et peut-être moins, économisant du papier et accélérant vos révisions.
5) NE JAMAIS RELIRE LES COURS D’UNE SEMAINE A L’AUTRE. Dans le cas contraire, on contrevient aux conseils 2 et 3 : on risque d’avoir des questions à poser, d’une part, et d'autre part le cours pourrait devenir tant soit peu cohérent, voire intelligible.
6) JETER TOUS LES COURS A LA FIN DE L’ANNÉE : il serait oiseux de penser que le savoir acquis durant une licence serait cumulatif. Mieux vaut partir du principe que les cours de 1ère année ne resserviront pas deux ans plus tard. On gagne ainsi de la place sur le bureau, on accélère également le travail de révision.
7) GARDER TOUJOURS UNE OREILLE DISTRAITE. Lacan parlait d’ « attention flottante » : elle sera bienvenue tout au long de vos études, que vous ferez ainsi durer.
8) PRÉFÉRER TOUJOURS LES CALCULS LES PLUS ÉLÉMENTAIRES A UN RÉEL APPRENTISSAGE. Ce conseil exige un effort intellectuel en début de semestre, mais il en vaut la peine : il consiste à calculer la somme des coefficients afin d’être toujours au plus juste dans chaque matière. Ignorez résolument la partie intitulée ‘bibliographie’ : elle peut nuire à votre projet. Et vous accélérez, là encore, le temps de révision.
9) ALLER BOIRE UNE BIERE OU FUMER UN JOINT ENTRE DEUX COURS. Cela vous permettra de passer des moments forts de convivialité et de bisous, faisant de votre vie d’étudiant une parenthèse enchantée, n’ayant trait que de loin avec le fait d’étudier.
10) NE PAS SAVOIR CE QU’ON FAIT LA. Lorsqu’on s’inscrit à l’université, il est important de le faire sans réflexion préalable. Mieux vaut penser d’entrée que de toute façon, cela ne servira à rien, et que votre destinée ne saurait s’accomplir dans le cadre étroit que nous impose le Système (contre lequel vous serez en révolte). Conserver, tout au long du parcours, cette belle incertitude, est un excellent moyen de respecter les conseils 3, 4 et 7. En doutant en permanence de l’utilité de tout cela, vous pourrez considérer, à juste titre, que « réviser » équivaut à « faire glisser ses yeux sur la feuille », perspective ludique s’il en est.
Il ne s'agit pas évidemment de "recettes miracles". Un défaut d'inattention, un intérêt soudain, risquent de jeter à bas tout ce bel édifice. Il est toujours possible de rater son échec, car, comme le dit Michel Houellebecq, "tout peut arriver dans la vie, et surtout rien".
Après un long détour par la psychanalyse de comptoir, le médecin m'annonce que je n'ai rien. Je suis reparti, donc, mes radios sous le bras, laissant de côté mes projets de cancer et derniers mois passés à la campagne.
J'avais acheté quelques livres sur les dinosaures, comptant bien alterner leur lecture avec l'observation des tritons dans les mares que j'ai creusées.
Kafka parlant de son professeur: "Devant cette terrible figure d'austérité et de réel..."
Tout cela n'était donc que du stress. J'ai voulu fuir mes responsabilités, elles me rattrapent au tournant, et par la peau du cou: reprends ce manuscrit, corrige ces copies, réécris cet article. Et, bien sûr, fais la vaisselle, rapporte à la pharmacie la montagne de médicaments inutiles.
Adieu la cortisone, adieu le médicament pour vieillards ayant souffert d'un AVC. Je n'ai rien, je ne suis rien, dirait Pessoa. "La maladie m'apparut enfin comme un projet de vie" écrit Svevo dans la Conscience de Zeno.
Je l'ai regardée, incrédule, rechignant à m'ausculter, se perdant dans ses notes et ses coups de fils, réclamant mon chèque déjà rangé. Figure d'austérité et de réel, comme ces matins pluvieux à Athènes où il fallait se lever pour aller à l'école.
Voilà deux mois que je ne fais plus rien. Ni écriture, ni ménage. Je sors, je rentre et je me couche.
Mon rêve serait de dormir un petit mois encore, me réveiller en avril ou en mai.
Et me voilà de retour de ma campagne.
Encore sourd d'une oreille, mais ayant tout au moins regarni mon tapis de muscle - si l'expression n'est pas outrée.
Dans les deux mares creusées cet été, des tritons et grenouilles vertes, et des grappes d'oeufs sphériques, de 10 cm de diamètre environ, pendues à fleur d'eau. Pas de coassements ni de chants. Quelqu'un saurait-il de quel batracien il s'agit?
6 jours de soleil: j'ai planté des arbres fruitiers, montré à mon neveu comment on déploie les racines avant de replanter.
Petite altercation avec un voisin qui par-dessus la haie me traitait de pédé (j'avais rebalancé sur la route les bouteilles de bière trouvées dans le potager). Je suis sorti le voir, sa famille formant cercle autour de lui. Sarah la chienne ne m'a pas accompagné: j'attendais encore un simulacre de lutte, mais non, le voisin s'est excusé de m'avoir insulté.
Dans sa bouche le terme "pédé" était péjoratif et mon objectif n'était pas de lutter contre l'homophobie, mais contre cette manie qu'ont les gens qui s'installent à la campagne d'insulter leurs voisins sans chercher d'abord à leur parler.
J'ai vu des floppées de piverts également. Ils avaient disparu depuis quelques années, au profit des pics épeiches.
Mes neveux ne sont guère sortis. Je note qu'ils n'ont aucune vigueur physique: impossible pour eux de lever une pioche ou un pic.
PS l'agressivité des voisins à mon égard (des voisins "rurbains", travaillant en ville, n'ayant pas de lien particulier avec la terre) vient de la disproportion entre leurs pavillons récemment construits et notre grande maison ancienne, entourée de grands arbres. Ils doivent penser spontanément que pour posséder une telle maison, il faut être une sorte d'aristo dégénéré, ayant échappé par traîtrise à la Révolution. Sans doute estiment-ils que nos doigts griffus interdisent que notre jardin soit divisé en lots et vendu en parcelles, renchérissant ainsi le coût de la vie et nuisant ainsi à la vraie vie des vrais gens.
Quand il m'a vu sortir, le visage plein de terre, les doigts ensanglantés, mon vieux pull déchiré, il a dû réviser son cliché.
Les théories du complot me remplissent de perplexité. Ces théories attribuent au fil des événements une intentionalité et une rationalité cachées qui traduisent une foi profonde en le génie de notre espèce, fût-il malfaisant.
Penser qu'il y a quelque intelligence derrière le cours des choses, humaine, divine, extraterrestre: n'est-ce pas le signe d'un affreux désarroi?
Il nous coûte d'accepter cette idée selon laquelle notre espèce étant limitée intellectuellement, les événements sont forcément régis par des décisions stupides.
Faire sauter les tours jumelles, envahir l'Afghanistan, faire un don à "l'Arche de Zoé", acheter "Elle" ou "Cosmo", investir dans les résidences balnéaires, graver son nom sur les vitres du métro: autant d'actes que l'on peut recouvrir d'autant de termes - fanatisme, liberté immuable, décomplexion, placement sûr, délinquance juvénile - qui seront, in fine, synonymes de "bêtise".
C'est pourquoi je défendrai ici la Théorie du Choix le plus Stupide Possible. Nous avons, depuis toujours, privilégié les voies les plus idiotes. Ballottés par le destin, certains d'entre nous veulent croire que nos élites, ou bien les Francs-Maçons, se réunissent le dimanche et décident, dans le plus grand secret, de nos destinées.
Mais de destinée, l'humanité n'en a pas. Elle ne crée rien sinon les bourdes qu'il lui faudra rattraper.
Sortant de chez l'ORL dubitatif: il n'est pas sûr que je retrouverai l'audition. Cela après dix jours de traitement inutile, farci d'antibiotiques et de cortisone qui me rend agressif.
Il pense que j'ai fait un accident vasculaire. Il m'a donné un remède pour petit vieux, à prendre trois fois par jour, chaque pilule étant marquée matin midi et soir.
Un seul remède à la mélancolie: dormir.
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