Re-trois pages ce matin, mais la journée n'est pas finie. J'écris des choses palpitantes sur Schopi. Je devrais sans doute m'intéresser aux vrais problèmes des gens, comme par exemple l'acnée.
Après de merveilleux tangos hier soir, perdu le sommeil à lire Dawkins tant il m'a irrité à mettre Darwin à toutes les sauces, illustration parfaite du concept qui préempte la réalité. La position occidentale qui veut que la science ait réponse à tout et qu'il faut être stupide pour ne pas l'admettre fait penser à ces missionnaires qui détruisaient les temples et les fétiches en toute bonne conscience. A s'en prendre à Dieu comme à l'ultime superstition, Dawkins ne fait que manifester son allégeance au monothéisme. S'il allait flaner sur les bords de l'Oyapock, il sentirait dans sa chair que la causalité est multiple et qu'il faut bien se fondre, à un moment ou à un autre, dans la logique des esprits locaux. La science m'explique que j'ai eu un trou dans le poumon, merci je m'en étais aperçu tout seul. Mais pourquoi un trou, pourquoi dans le poumon, pourquoi à ce moment-là, et pourquoi n'y a-t-il aucune explication rationnelle à ce trou-là, haha, "la raison éteint ici son flambeau", comme dirait Kant.
Au passage, parcourant le blog excellent qui borde la Mérantaise, je découvre un lien vers celui-ci : http://enerve-de-service.hautetfort.com/. J'aimerais aujourd'hui sombrer dans l'anonymat pour m'exprimer plus clairement sur l'univers de la fac et des labos, mais à quoi bon puisque ce blog-là le fait très bien.
12h: et voilà, il se produit ce que je craignais. Levé à six heures pour déblatérer au sujet de Schopenhauer, j'ai été attiré par le bruit de mer que dégageais mon frigo vide, donc courses, passage à la banque pour procéder à un bébé-remboursement anticipé, et maintenant je tombe de sommeil et je ne vois plus du tout en quoi l'expérience de la Pitié est féconde en oeuvres d'art.
De plus, en récapitulant mes paroles susurrées à l'oreille d'Aurélie, danseuse de tango, il me revient ce passage de Logan Persall Smith, qui se remémore l'excellente soirée qu'il a passée et en particulier son succès lorsqu'il a imité le cri du cochon. Conclusion : "Mon Dieu ! Je voudrais disparaître de la surface de la terre !"
13h: après une petite sieste. Décidément je vais abandonner la lecture de Dawkins (Dawkins, Richard, 2008, Pour en finir avec Dieu, Robert Laffont). Il vitupère les créationnistes qui veulent annexer l'Evolution par le biais du dessein intelligent, mais lui n'a de cesse de vouloir expliquer la religion par l'Evolution ! Bien sûr, ce serait chouette si on arrêtait brusquement de croire au Père Noël, mais je lui ferai au moins deux petites objections:
1) Chassez la religion par la porte, elle reviendra par la fenêtre. Ainsi, le Pape a beau reconnaître que l'Europe occidentale est en état d'apostasie, il se trouve qu'aujourd'hui les gens demandent au législateur ce que l'on demandait autrefois au prêtre, c'est-à-dire : gérer la douleur morale, statuer sur les embryons, organiser des procès symboliques, et finalement déterminer la destination ultime des cendres. Lorsqu'on entend parler à la barre d'un tribunal d'une aide afin que les victimes puissent "faire leur deuil", que les accidents d'avion stimulent l'érection de mémoriaux et de stèles tandis que les débris de l'engin fument encore, et qu'on entend dire que les parents "refusent de croire en la fatalité de l'accident", nous nous trouvons exactement face à la pensée Yanomami et plus largement amérindienne selon laquelle il n'existe pas de mort accidentelle - une morsure de serpent est certes fatale, mais l'endroit où se trouvait ce serpent n'a lui, rien d'accidentel, et dérive de l'action d'un chamane. Ainsi, l'incendie du tunnel du Mont Blanc dérive forcément d'une mauvaise intention, ou d'un assoupissement, bref il n'aurait pas pu avoir lieu si...
2) Postuler que la rationalité occidentale doit être le véhicule de toute pensée internationale me paraît difficile à défendre. D'une part elle a montré ses limites lorsqu'elle s'est emparée de la question du progrès et de la mise en valeur économique de la planète. D'autre part on peut difficilement faire comme s'il n'y avait pas un peu plus d'un milliard de musulmans. On peut penser ce qu'on veut d'Allah et de son prophète, mais il se trouve qu'ils sont agissants, comme nous l'a montré l'histoire récente. Il ne rime à rien d'ironiser sur le temps perdu en prières et en pèlerinages (on pourrait en dire autant des séjours bronzettes aux Caraïbes), mieux vaut apprendre à négocier selon un terrain neutre. Déclarer de but en blanc : "vous êtes superstitieux, donc on va faire comme je dis" ne me paraît pas de bonne politique.
Soit dit en passant, je reconnais volontiers, comme Sganarelle, l'inexistence de Dieu, mais je connais plein de gens qui ont vu, de leurs yeux vu, le Moine Bourru.
PS du 22 août : pour illustrer mon propos, selon lequel le législateur prend aujourd'hui en charge cette part de la société qui relève d'instances spirituelles ou religieuses, une dépêche du monde parue aujourd'hui:
Les fœtus nés sans vie pourront être inscrits à l'état civil
LEMONDE.FR avec AFP | 22.08.08 | 09h57 • Mis à jour le 22.08.08 | 10h49
Deux décrets du ministère de la justice parus vendredi 22 août au Journal officiel autorisent l'inscription d'un fœtus né sans vie sur les registres de l'état civil. Souhaités depuis plusieurs années par de nombreuses associations, ces décrets viennent combler le vide juridique qui existait en France pour les fœtus de 16 à 22 semaines morts in utero ou après une interruption médicale de grossesse. Ils font suite à la décision de la Cour de cassation, qui, en février, avait jugé, dans trois arrêts, qu'un fœtus né sans vie pouvait être déclaré à l'état civil, quel que soit son niveau de développement.
Un premier décret dispose qu'"un livret de famille est remis, à leur demande, aux parents qui en sont dépourvus par l'officier de l'état civil qui a établi l'acte d'enfant sans vie". Ce livret de famille comporte un extrait d'acte de naissance du ou des parents ainsi que "l'indication d'enfant sans vie", la date et le lieu de l'accouchement. Le second décret prévoit que "l'acte d'enfant sans vie est dressé par l'officier de l'état civil sur production d'un certificat médical dans des conditions définies" par un arrêté du ministre de la santé, mentionnant l'heure, le jour et le lieu de l'accouchement. Cet arrêté présente un modèle de ce certificat d'accouchement signé par le praticien concerné.
Jusqu'à présent, dans la plupart des hôpitaux, les fœtus de moins de 22 semaines étaient incinérés avec les déchets du bloc opératoire. Désormais, reconnus à l'état civil, ils pourront avoir droit à des obsèques.
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