Et voilà, un an passé avec ma petite F.!
Et voilà, un an passé avec ma petite F.!
Par temps de crise et d'effondrement des marchés boursiers, j'affronte moi aussi ma crise et mon effondrement.
Face au réel mon apparence est de plus en plus ténue, il me coûte toujours davantage de la tenir. Comme s'il fallait toujours plus de poulies et de contrepoids pour étayer la façade - Paris au XIXe siècle, une petite ville du Far West - secouée par le vent.
Et je me dis que l'homme est un robot pensant. Comme à l'armée, se réveiller au son des trompettes, s'habiller mécaniquement, former le rang et saluer, tout cela peut être accompli l'esprit ailleurs.
Le problème est que je ne sais où se situe mon esprit exactement.
Comme j'ai du mal à suivre une conversation, et que cela ne fait qu'empirer depuis plusieurs mois, je suis retourné voir mon psy.
Lui-même avait du mal à s'intéresser à ce que j'avais à dire. Son esprit planait encore, comme le mien, dans son jardin.
A l'heure dite il remplit coup sur coup deux feuilles de soin. "Vous n'allez pas mieux que moi", lui dis-je. Il en convient.
Disons-le franchement: ma productivité scientifique augmente tandis que mon taux de reproduction reste désespérément proche de 0/00. Les programmes et les articles pleuvent, on pourrait dire que ma carrière parvient à son tournant, et pourtant... si je m'écoutais je ferai une formation de menuisier, ébéniste ou charpentier.
J'ai perdu, avec la rigueur, toute capacité à m'indigner. Et je perds la rigueur à présent. Trop travaillé l'année dernière, je capitalise avec des copier-coller.
Je vois, je vois un Etat qui légifère sur toutes les questions de sécurité, jusqu'aux séjours dans les halls d'immeuble et les foulards que l'on peut ou ne peut porter. Mais quand il s'agit d'algues vertes, de suremballage, de mode de production ou de distribution aberrants, quant il s'agit de freiner la consommation prédatrice, là, la responsabilité doit revenir au producteur et au citoyen. Pourquoi cela? Pourquoi cette abstention?
Journée de fureur aujourd'hui qui m'a amené à envoyer paître pas mal de chose, en particulier le programme qui me tenait tellement à coeur.
Je me suis rendu compte que certains de mes coéquipiers étaient des obstacles plutôt que des atouts dans ce projet. Que les réunions étaient perdues en épuisants rappels de nos objectifs initiaux. Que j'en avais assez de faire des suggestions m'attirant des remarques narquoises sans aucune suggestion en retour.
Je me rends compte que j'ai passé l'âge de faire des insomnies à cause de collègues ou de compagnons de travail. Une année difficile commence pour moi, il est inutile de me la compliquer davantage...
L"Inetto" - inepte, incapable, inapte - fut un personnage couramment incarné dans la littérature italienne de la fin XIXe au début du XXe siècle. Son expression la plus achevée se situe dans La Coscienza di Zeno, mais d'autres personnages de Svevo - Alfonso Nitti, Emilio Brentani - en sont d'excellents exemples. Du côté germanique, c'est L'Homme sans qualités que Musil décrivit longuement.
Zeno exprime bien le fond de l'inanité lorsqu'il observe "la grande machine privée de but" qu'est l'univers. Que sommes-nous au milieu de tout cela? Et même pas au milieu, plutôt à la périphérie. Plutôt que des roseaux pensants, ne serions-nous pas plutôt quelqu'infime coléoptère posé à l'extrémité du roseau?
Germaine Brée a, il y a plus de trente ans de cela, publié un excellent livre portant sur La Recherche du Temps perdu. Elle écrit à propos des scènes finales du Temps retrouvé:
"Ils existent, rien n'explique cette existence qui va cesser d'être et qui est une forme fugitive de la vie. Mais, installés dans cette existence, comme le dormeur au centre d'un rêve, les hommes l'oublient et en oublient le caractère transitoire. Ils se laissent emporter, saluant, ricanant, bavardant avec ardeur, dans la mort, où cette création unique qu'est une vie se développant dans le temps se trouve rapidement perdue, aussi rapidement que l'est, dans la mémoire de sa fille même, le souvenir et la personnalité de Swann." (BREE Germaine, Du temps perdu au temps retrouvé, les Belles Lettres, 1969, p.159)
Ces perplexités ne me quittent pas lorsque je mène mes enquêtes. Souvent j'ai des instants de pause et de douleur où les choses se transfigurent. Tantôt je me projette au Crétacé ou au Jurassique, tantôt je pense au volume physique occupé par un humain qui agit, prend des décisions, décide de construire ou démolir. Je me demande bien sûr à quoi je sers, ce que je fais là, assis devant mes interlocuteurs plus ou moins à l'aise, plus ou moins communicatifs, et moi-même plus ou moins désireux d'approfondir, toucher à l'intimité des coeurs, me laisser aller à ma curiosité.
Et pourtant l'essentiel n'est pas là. Après un mois à la campagne je ne faisais pas corps avec mon enquête, mais avec le jardin. Ces choses-là n'ont pas de mots pour les exprimer. Chemins parcourus et reparcourus. La même fleur vue et revue sous mille angle, tantôt visitée par un insecte, tantôt hébergeant une petite araignée. Etre happé par la vie végétale, comme un corps mort se dissout dans l'humus.
Que pensez-vous de ça?
Glurps! Etre la plus belle. Etre top. Amis = amour = coiffeur. Je mens, je pique des crises pour obtenir quelque chose. Je suis une poupée débile.
Je pars en vacances sur des conseils faux et archi-faux, des fictions qui ne disent pas leur nom, au nom de la promotion:
Décryptons: Maia n'est pas un prénom brésilien. Les tortues marines ne pondent pas le jour. Le tissage de clichés, aussi consciencieux soit-il, ne remplace pas une vérité.
Les lamantins ont autre chose à foutre (survivre, par exemple) que d'attendre la visite de touristes écervelés.
Plus d'info sur Cosmopolitan quand j'aurai remis la main sur le "supplément sexe" que nous avions emporté...
De retour d'Italie. Pas fâché d'être à la maison, malgré le temps grigio.
Les deux premières nuits, au Parc National des Abruzzes, furent épuisantes car mes rêves me remettaient sans arrêt au travail. Je devais interroger les paysans survivants, comprendre l'évolution des paysages, etc.
Puis un tour au milieu de nulle part retrouver les traces de l'arrière-grand-père de ma petite F., migrant à 14 ans.
Enfin quelque jour de repos total à Positano. Repos, entendons-nous: si par repos on entend vivre en plaine, alors ce séjour fut épuisant. Volées d'escalier au retour de la plage, au retour de dîner, mollets d'acier certainement.
Mais vivre et penser en touriste est sans doute l'épreuve la plus débilitante et humiliante qui soit. J'en reparlerai.
Bonnes vacances à mes lecteurs en vacances!
Après demain, je pars en vacances! A moi les Abruzzes, les ours, les pâtes au vonghole et le petit blanc local dont j'ignore le nom.
Notre dernier séjour à Saints a été enchanteur. Toute l'équipe est remontée à bloc après une restitution qui s'est très bien déroulée. Pour avoir une idée de l'ambiance, voir ici.
Donc tout va bien, je peux partir tranquille.
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