J'enrage ! Mon collègue, ami et néanmoins censeur Gérard C. me suggère de scinder mon article sur le chamanisme. En l'état, il n'aurait ni queue ni tête.
On ne devrait jamais passer deux ans sur un article qui vous pompe l'air. Ceux que je rédige en trois jours sont mieux réussis.
Je vais devoir, en première partie, montrer que les esprits du chamans s'inscrivent dans un registre métaphorique lié à un type de narration.
En deuxième partie - pardon, dans un deuxième article - je m'empare de la question de la sorcellerie d'attaque (assault sorcery) dont parle Whitehead dans Dark Shamans. A l'arrivée des Européens dans les Guyanes, le choc technologique et épidémiologique fut tel que les sociétés guerrières amérindiennes s'effondrèrent d'un coup. Seuls les chamans furent capables d'intégrer la nouvelle donne dans les catégories natives. Dès lors les groupes se reconstituèrent autour de leurs personnes. Bientôt, selon Whitehead, ils développèrent de nouvelles techniques chamaniques, tournées vers l'agression, dont la plus fameuse expression est le kanaimà. Ma thèse est que durant le XXe siècle, après avoir été des persécuteurs et des chasseurs d'esclaves, les Blancs adoptèrent une nouvelle attitude, bienveillante. Dès lors, les chamans se trouvèrent dépassés par cette situation nouvelle, et détenteurs d'un pouvoir sans objet. Les groupes ne se connaissant plus d'ennemis extérieurs, les chamans furent soupçonnés de malveillance, par leur tentative d'égaler le pouvoir curatif des Blancs pour les nouvelles maladies qui émergeaient (diabète et tuberculose en particulier). Cela expliquerait leur progressive mise à l'écart et l'émergence d'une nouvelle génération d'hommes politiques, tirant leur prestige d'une éducation religieuse, tant catholique que protestante.
L'épisode de possessions démoniaques qui s'est déroulé lors de mon séjour à Kumarumã (voir ici et ici) serait une indication de la terreur encore vive du temps où les chamans faisaient régner la mort et la désolation, chaque groupe familial devant, pour se défendre, initier l'un de ses membres.
Je n'en finirai jamais !!
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