Que sont devenus le varan géant, le kangourou géant, le wombat géant, le lion marsupial (thylacoleo), l'émeu géant, l'aigle géant, le thylacine australiens? Tous ont disparu d'Australie il y a 45000 ans.
Pour savoir ce qui leur est arrivé, allons faire un tour du côté de la littérature scientifique...
J'avais été frappé de lire, dans les documents préparatoires du Sommet de Johannesburg (2002), les experts de l'UNESCO déclarer que l'humanité était productrice de biodiversité, et cela sans autre forme de procès.
« En mettant l’accent sur la « diversité durable », nous reconnaissons que les être humains appartiennent à l’univers biologique, tout en étant la seule espèce qui a le privilège d’intervenir sur lui par la création de diverses formes de culture dans le temps et dans l’espace. (…). Ainsi, la diversité culturelle doit être vue comme un gage de la biodiversité. » (2002 : 8)
« Les populations ont également créé et continuent à entretenir des paysages culturels afin de maintenir des valeurs écologiques et culturelles spécifiques. Les paysages naturels variés, créés et entretenus par les Aborigènes australiens, à travers leur utilisation ingénieuse du feu, en sont un exemple parmi les plus connus. Il n’est jusqu’à la forêt tropicale amazonienne, considérée par nombre de personnes comme l’ultime expression de l’espace primitif, qui n’ait été façonnée au cours des millénaires par les interventions délibérées des peuples autochtones. » (2002 : 9)
« Le degré d’interdépendance qu’entretient la diversité biologique avec la
diversité culturelle est encore très largement méconnu. Elle va bien au-delà de
ce qui est communément admis concernant les perceptions et les comportements
diversifiés des populations vis-à-vis de
La répétition incessante des mêmes propositions (par exemple 2002 :12) illustre leur faible productivité. Le flottement conceptuel se retrouve dans l’intervention d’Arjun Appadurai au même Sommet (2002), qui hésite entre une relation « d’homologie », et l’affirmation répétée que la diversité humaine est une « garantie puissante » de la biodiversité (2002 : 16), au nom d’une « vision plus large du développement durable » (ibid.) : « Les êtres humains sont les acteurs principaux de ces équilibres, et si leur diversité s’appauvrit, il en va de même du trésor de conceptions morales reliant le bien-être moral et le bien-être matériel. Ainsi, la diversité culturelle est une garantie puissante de la biodiversité. »
Si l'on se penche sur la genèse de ces affirmations, on trouve une double origine: 1) l'idée, présente chez Rappaport, que les cultivars et les animaux domestiques doivent être comptabilisés comme une contribution humaine à la biodiversité (Rappaport R. 1983. Pigs for the Ancestors.
Et 2) l'idée que les activités humaines génèrent des paysages qui hébergent et abritent une forte diversité propre à ces milieux. Pour comprendre comment une telle idée se transmet d'un chercheur à l'autre, il suffit de chercher l'article séminal qui se trouve systématiquement cité. Dans ce cas, il s'agit de
Lewis, H. T., and T. A. Ferguson. 1988. Yards, corridors, and mosaics: how to burn a boreal forest. Human Ecology 16: 57-77
Dans cet article, Lewis et Ferguson établissent un parallèle entre les pratiques des Indiens de Colombie Britannique et des Aborigènes australiens. A partir d'ici se multiplient les contributions sur le versant australien du sujet, comme par exemple:
Lesley Head, 1996, Rethinking the prehistory of hunter-gatherers, fire and vegetation change in northern Australia, The Holocene, Vol.6, n°4, 481-487
Abstract: Different types of evidence - palaeoecological, biogeographic and ethnographic - currently provide different perspectives on the question of hunter-gatherer impacts on fire-sensitive components of northern Australian vegetation. Here I analyze the apparent discrepancies, using evidence primarily from the Holocene. Using this more substantial body of evidence than is available for earlier periods, we can attempt to do justice to both ecological and social complexity. While dry rainforest patches and wet rainforest massifs need to be considered separately, each experienced more human alteration in the late Holocene than the early to mid-Holocene. In the former case, hunter-gatherer burning protected dry rainforest from climatically induced changes in fire regime; in the latter, it contributed to disturbance.Implications for future research into hunter-gatherer relations to land are discussed. This analysis does not preclude the possibility of analogous changes having occurred during the Pleistocene.
Entre 1996 et 2005, on trouve régulièrement des productions sur le sujet. Mais c'est un article de 2005 qui va relancer la machine, du côté australien:
Douglas W. Bird, Rebecca Bliege Bird and Christopher H. Parker, 2005, Aboriginal Burning Regimes and Hunting Strategies in Australia’s Western Desert, Human Ecology, Volume 33, Number 4 / august 2005
Abstract A large complement of
Cet article est repris plus de trente fois. Voici les dix premières:
1.
2.
3.
4.
Australian
5.
6.
Aboriginal
7.
8.
9.
10.
On le voit, ces dix articles ne s'inscrivent pas spécifiquement dans le sujet cité, mais du moins partagent une vision d'arrière-plan.
A présent, voici la contre-proposition qui se répand en 2005, l'idée selon laquelle les "paysages culturels", et particulièrement la chasse pratiquée par la mise à feu du bush australien, n'a pas exactement été bénéfique pour la faune australienne:
True C, Field J, Dortch D, Charlels B, Wroe S. 2005. Prolonged existence
of humans and megafauna in Pleistocene Australia. Proc. Natl. Acad. Sci. USA 102:8381–85
mais également cet article paru dans Science, qui sera repris à de multiples reprises:
Science 8
July 2005:
Vol. 309. no. 5732, pp. 287 – 290
Ecosystem Collapse in Pleistocene Australia and a
Human Role in Megafaunal Extinction
Gifford H. Miller, Marilyn L. Fogel, John W. Magee, Michael K. Gagan, Simon J. Clarke,Beverly J. Johnson
Most of
Cité dans:
Ecological
consequences of Late Quaternary extinctions of megafauna.
C.N. Johnson (2009)
Proc R Soc B 276, 2509-2519
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Extinction
implications of a chenopod browse diet for a giant Pleistocene kangaroo.
G. J. Prideaux, L. K. Ayliffe, L. R. G.
DeSantis, B. W. Schubert, P. F. Murray, M. K. Gagan, and T. E. Cerling (2009)
PNAS 106, 11646-11650
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Fire
in the Earth System.
D. M. J. S. Bowman, J. K. Balch, P.
Artaxo, W. J. Bond, J. M. Carlson, M. A. Cochrane, C. M. D'Antonio, R. S.
DeFries, J. C. Doyle, S. P. Harrison, et al. (2009)
Science 324, 481-484
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The
"fire stick farming" hypothesis: Australian Aboriginal foraging
strategies, biodiversity, and anthropogenic fire mosaics.
R. Bliege Bird, D. W. Bird, B. F.
Codding, C. H. Parker, and J. H. Jones (2008)
PNAS 105, 14796-14801
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Late-surviving
megafauna in
C. S. M. Turney, T. F. Flannery, R. G.
Roberts, C. Reid, L. K. Fifield, T. F. G. Higham, Z. Jacobs, N. Kemp, E. A.
Colhoun, R. M. Kalin, et al. (2008)
PNAS 105, 12150-12153
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Colloquium
Paper: Megafauna biomass tradeoff as a driver of Quaternary and future
extinctions.
A. D. Barnosky (2008)
PNAS 105, 11543-11548
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Voilà, le lecteur constatera que les idées font leur chemin en parallèle: dans la biologie de la conservation, il est clair que la mégafaune australienne a mal supporté la technique de chasse déployée par les aborigènes à leur arrivée, il y a 45000 ans.
En revanche, dans la lignée de l'Human Ecology, cette technique de chasse par le feu est extrêmement productive en terme de dynamique écosystémique et culturelle.
Voici en tous cas ce qui est passé à la casserole - ou plutôt au grill:
N'existe t il pas une theorie qui lie la disparition des gros animaux avec l'avancee de l'espece humaine sur les continents autre que l'Afrique. L'homme venant d'Afrique les animaux ont eu le temps de s'y habituer et de s'en premunir, leur congeneres des autres continents n'ont pas eu ce temps et cette chance?
Rédigé par : o | vendredi 16 oct 2009 à 17:18
Oui, vous disposez d'éléments dans Diamond, "De l'inégalité parmi les sociétés", Broswimmer "Ecocide", Tudge "Time before History", et de multiples articles en libre accès sur le site du Proceedings of the National Academy of Sciance (PNAS).
Rédigé par : Anthropopotame | vendredi 16 oct 2009 à 19:54