Eh bien! La réponse de la Fulbright est négative, il ne me reste plus qu'à rater l'audition à l'IRD et j'aurai enfin obtenu la totale, soit une douzaine d'échecs en un mois. Un allergologue averti dirait que l'insensibilisitation, menée à un tel rythme, risque fort de ne pas donner les résultats escomptés, c'est-à-dire mener à un échec de l'insensibilisation. Mais un échec de plus doit, dans un tel contexte, être considéré comme un succès.
Donc, il y a de fortes chances pour que je dirige le département d'Espagnol à Neverland l'année prochaine. Cela ne doit pas réjouir tout le monde, mais cela ne me déplaira pas de jouer les Saint-Just au Conseil d'UFR.
Afin de prendre un pli administratif, j'ai dû me livrer à un exercice particulièrement déplaisant dans ma situation: évaluer les candidatures des malheureux qui souhaitent postuler à Neverland en vue des prochains comités de sélection. Quinze rapports à faire en 24h...
Heureusement l'évaluation porte sur peu de documents, puisqu'à ce stade il s'agit simplement de décider qui sera auditionné ou non. Fiche résumée, CV, position de thèse, rapport du jury.
Eh bien c'est un crève-coeur.
Je sais, moi, que le poste recouvre des enseignements de langue et de grammaire. Notre groupe de recherche est moribond (et cela malgré le fait que je n'y sois plus). Il est donc cruel de retenir des gens qui ont manifestement une vocation pour la recherche, qui ont d'excellentes thèses et de nombreuses publications dans de bonnes revues.
Parmi les candidatures, il y en a que j'écarte assez rapidement: celles des collègues qui ont passé trop de temps dans le secondaire, et dont la carrière scientifique se résume à avoir rédigé des sujets et des brochures pour les concours.
Plus perversement, j'ai tendance à écarter les profils qui ressemblent au mien : les gars qui ont trop souvent changé d'orientation, ceux dont je lis dans le rapport de thèse qu'ils ont conclu leur travail en écrivant "merci!" ou qui insèrent dans les mots clés (à propos d'une thèse sur le passé simple ou sur la temporalité dans l'oeuvre de Bidule) "axiologie, épistémologie". J'ai déjà du mal à me supporter, je ne vais donc pas chercher à me constituer en équipe!
Ce qui pèse, dans ce contexte, c'est le rapport de thèse, bien que je ne sois pas dupe des manoeuvres et des poids et contrepoids qui sont mis en oeuvre dans sa rédaction. Le mien était exécrable. Mais c'est le seul élément objectif d'appréciation, le seul regard qui ne soit pas porté par le candidat lui-même sur ses propres travaux. On découvre ainsi la forte implication de certains, qui vont jusqu'à écrire "mon" auteur, "mon" poète, ou ceux qui parlent d'africanité, de négritude, d'identité sans jamais adopter de distance critique.
Le doctorat en France, chacun peut l'obtenir. Mais le filtre des recrutements a des mailles très fines, et les outsiders, ceux qui ne maîtrisent pas les codes de l'université - et en particulier la sobriété du langage - ont bien peu de chances de passer.
Désolée pour les échecs, ça ne doit pas être facile à digérer.
Pour les candidats, tu me fais rire. Je suis en plein là-dedans, moi aussi, et les entretiens avec mes candidats commencent aujourd'hui, beurk... Poser 50 fois les mêmes questions stupides, entendre 50 fois les mêmes réponses stupides, et pour finir, engager les gens tout simplement parce que "je le sens" ou "je ne le sens pas..." et le regretter dès qu'ils vont commencer à bosser pour moi... vachement scientifique tout ça...
Rédigé par : Dr. CaSo | jeudi 22 avr 2010 à 15:30
Cher Anthropopotame,
J'ai passé récemment une audition à Neverland... Depuis que j'ai découvert votre blog (que je trouve par ailleurs fort intéressant et agréable à lire), je regrette un peu moins de m'être plantée!
Merci pour vos réflexions sur le mouvement de grève de l'année dernière. Elles alimentent les miennes (encore en cours...).
Bonne continuation, et courage pour votre courageux projet de reconversion.
Rédigé par : J. | jeudi 17 juin 2010 à 23:52
Ma foi, J., si je vous ai consolée de quelque manière que ce soit, j'en suis ravi. Dans quel département de Neverland candidatiez-vous?
Je suis heureux que vous saluiez mon courage, un abcès à la mâchoire c'est fort douloureux et je ne puis manger que des petits pots.
Rédigé par : anthropopotame | vendredi 18 juin 2010 à 12:42
Amusante coïncidence, c'était votre département...
Je compatis pour l'abcès (et pour les petits pots).
Rédigé par : J. | vendredi 18 juin 2010 à 16:07
Aha! N'étiez-vous pas cette jeune candidate venue accompagnée d'une amie (ou d'une soeur ou d'une cousine), à qui j'ai eu l'honneur d'indiquer le chemin de la cafèt?
Rédigé par : anthropopotame | vendredi 18 juin 2010 à 16:18
Aha! Non. J'étais une autre jeune candidate.
Rédigé par : J. | vendredi 18 juin 2010 à 16:51
Très bien. Si vous me rencontriez aujourd'hui vous auriez peur sans doute. Les abcès à la mâchoire sont disgracieux et pourvoyaient les foires en monstres et curiosités.
Cela dit, j'espère que vous avez trouvé un poste à votre convenance?
Rédigé par : anthropopotame | vendredi 18 juin 2010 à 16:56
Hé non, pas de poste cette année...
Je vous souhaite un prompt rétablissement. Cuide-se.
Rédigé par : J. | vendredi 18 juin 2010 à 23:25