ANTHROPOPOTAME

Mais personne ne parle de Doha?

Mais personne ne parle de Doha par ici? Les journaux brésiliens en ont de pleines pages, mais par ici, en France, pas un mot...

Seul Nicolas Hulot a porté haut le clairon pour rappeler que le climat se déréglait plus vite que prévu, que la maison qui brûlait continuait de brûler. C'était au Grand Journal: on lui fit l'éternel remarque "Mais vous n'êtes pas fatigué que l'on ne vous écoute pas?" Hulot attira alors l'attention sur ce phénomène étrange: non seulement la population semble déléguer la question écologique aux seuls écologistes, mais en plus on les raille et on leur tient rancoeur si l'écologie n'avance pas, mais recule...

Mon souci était de voir Raoni en figurant. Le pauvre vieux n'a plus grand chose à dire, il continue à parler sénilement de problématiques anciennes - délimitation du territoire, poisson en baisse; il semble n'avoir même plus conscience que ce qui menace les Terres Indigènes sont les barrages, les projets de développement, etc. Utiliser ce pantin pour parler au non des Indiens c'est comme faire représenter la France ou le Monde Rural par M. Loyal.

Enfin bref, on ne parle pas de Doha.

En Amazonie, ça ne s'arrange pas...

Les atermoiements de Dilma Rousseff au sujet du code forestier encouragent une poussée de déforestation.

Il est facile de prendre la pose sur la scène internationale et d'invoquer le nationalisme à tout bout de champ, et faire taire les écolologistes bien-pensants en invoquant la réduction de la misère et le nécessaire développement du Nord du Brésil.

Mais avec cela 18 barrages hydro-électriques sont planifiés, entraînant à chaque fois la création ex nihilo de villes de 100.000 habitants, et par ailleurs d'entraîner l'IBAMA (Institut Brésilien de l'Environnement), sur la pente du béni-oui-ouisme.

Cette carte produite par l'IMAZON et l'Institut socio-environnemental montre par exemple qu'il ne reste quasiment plus rien à déforester dans l'Etat de Mato Grosso, non plus que dans l'Etat du Para au Sud de l'Amazone.  Seules les Terres Indigènes et les Aires Protégées servent de tampon entre l'avancée des fronts de colonisation, mais elles seront bientôt cernées. Toutes les terres non affectées à un statut particulier, tout territoire non institutionnalisé, est voué à disparaître en fumée.

Tiramigiù

Tandis que la Présidente du Brésil souhaite faire accéder à la citoyenneté des millions de Brésiliens qui en furent exclus, les questions environnementales passent au 15e plan.

Il est noble, en effet, de mettre un terme à la non-politique urbaine qui consistait à laisser des milliers de migrants se débrouiller sur des collines, sous des bretelles de voies rapides, ou le long de rivières, afin de compenser les salaires de misère qui ont permis l'essor économique.

Mais que ce nouvel effort s'accomplisse en puisant encore davantage dans les ressources amazoniennes, il y a là un pas qu'un entourage éclairé n'aurait pas dû lui laisser franchir. 

J'en viens à me demander comment est organisée la démocratie brésilienne. Le clientélisme semble ancré du plus petit hameau jusqu'au siège du pouvoir. Retoucher le code forestier, relancer les programmes militaires d'intégration nationale, par la construction de barrages hydro-électriques... 

On m'objectera qu'il n'en va pas mieux en France. Que les scientifiques ne sont guère plus écoutés, que les préoccupations environnementales sont sacrifiées également. 

Sans doute, oui. Mais en France la situation est stable, au Brésil la conscience semble régresser. Comme si la politique devait évoluer à grands retours de bâton. On a créé des Terres Indigènes et des Territoires protégés avec frénésie, avec enthousiasme. Et puis les grands propriétaires ont mobilisé leurs troupes et leurs représentants. A présent on détricote. 

Année après année, le sud-est est victime d'inondations catastrophiques. On en connaît la cause. Même ainsi, on revient sur la loi qui protège les berges et les pentes en invoquant le fait que la loi ne s'applique pas, que l'Etat n'a pas les moyens de la faire appliquer. Etrange logique.

En France, il y eut le fameux "l'environnement ça commence à bien faire". Les algues vertes par exemple, plutôt que d'être combattues en amont, seront retraitées en aval, une fois les dommages causés. Mais en France, il en est toujours allé ainsi. Nous ne pouvons pas régresser sur le plan environnemental, car tout est à faire dans ce domaine.

 

PS: ceci était ma millième note...

Développement durable et croissance accélérée

Dans son discours prononcé à Porto Alegre, Dilma Rousseff  a associé le "développement durable" à une "croissance accélérée": 

No meu governo, quando falamos de desenvolvimento sustentável, eu quero dizer aqui, de forma clara, no que estamos falando: para nós, desenvolvimento sustentável significa crescimento acelerado de nossa economia para poder distribuir riqueza (...)

Comme nombre de Brésiliens de l'intérieur, Dilma entend par "soutenable" ce que l'on entend par "soutien de famille": la croissance se fera en pillant davantage de ressources dans l'objectif de les redistribuer. Les ressources existantes, et les inégalités de revenus, ne sont pas mentionnées.

Plus inquiétant encore, son allusion aux BRIC:

Nos países chamados Brics, nós lutamos por uma nova ordem econômica e política mundial multipolar, mais justa, mais democrática. Em todos os fóruns globais, somos partidários do multilateralismo, do desarmamento e das soluções negociadas para todas as ameaças à paz mundial.

Sachant que le R correspond à la Russie, et le C à la Chine, on voit mal en quoi cet ensemble de pays aurait vocation à défendre "une politique mondiale multipolaire, plus juste, plus démocratique"... La position du Brésil, hostile à toute intervention dans les affaires de l'Iran ou de la Syrie, est évidemment une politique à courte vue, visant à éviter que l'on ne regarde de trop près la manière dont le Brésil respecte les traités internationaux.

Entre la démocratie chinoise et le développement accéléré à la chinoise, Dilma semble avoir choisi son modèle. Et elle est aujourd'hui le président le plus populaire que le Brésil ait jamais connu.

La position surplombante de celui qui ne fait rien

Pour une fois c'est l'éloge de ma propre bêtise que je vais faire.

Un lecteur de quelque mérite a laissé sur ce blog un commentaire peu amène: je serais prétentieux, ignorant et pompeux.

Cela parce que je suis intervenu dans un débat proprement brésilien, qui englobe dans la même dynamique la lutte contre la centrale hydro-électrique de Belo Monte et celle contre l'éviction d'une communauté installée depuis huit ans sur un terrain privé dans l'Etat de São Paulo.

Je suis intervenu dans le débat avec ma délicatesse habituelle, chaussant de lourds sabots.

J'avais du mal à comprendre la logique qui mettait sur le même plan la destruction programmée de l'Amazonie et la charge de la Police Militaire contre une petite communauté, le capitalisme et l'homophobie, produisant des mots d'ordre qui, s'ils mobilisent, ne forment pas sens. 

De même que j'ai du mal à supporter les propos à l'emporte-pièce du type "avant de protéger les gorilles, éradiquons la pauvreté".

Mais ridiculiser l'engagement d'autrui quand on est soi-même confortablement installé n'est pas exactement une attitude correcte.

J'ai donc perdu une bonne occasion de me taire, et lorsque je me sentirai bouillir, j'écrirai directement à Dilma ou à notre futur président.

Merci Al-Jazeera pour ces images du Brésil...

Les bulldozers à l'assaut du fleuve Xingu

Les travaux de détournement de l'immense Xingu, destinés à permettre l'édification du barrage, ont commencé.

Voyez ce qui fut un des fleurons de l'Amazonie indomptée: 

http://www.xinguvivo.org.br/2012/01/16/belo-monte-inicia-primeiro-barramento-do-xingu-2/#.TxcSua3Dfis.twitter

La nébuleuse environnementaliste brésilienne se mobilise. Sur Twitter et ailleurs, Eduardo Viveiros de Castro, Bruce Albert et des milliers d'autres reconstituent heure par heure les événements.

J'observe ce phénomène étrange de militants qui militent et se donnent pour objet les injustices, les scandales, les inéquités. Dès lors la Vale a ou aurait beau jeu de détourner le front de protestation en envoyant des hommes de main incendier là-bas une petite indienne; tabasser ici un homosexuel, etc. Et l'on voit alors le front de militant se diffracter, portant partout la lutte, la destruction de l'Amazonie ici, le passage à tabac d'un responsable associatif ailleurs, et finalement ne sait plus ou donner de la tête.

A la destruction du Xingu, symbole de la grande razzia menée sur l'Amazonie, on oppose la rationalité des chiffres: tant de mégawatts, tant d'emplois créés. Mais ces chiffres sont irrationnels également, car l'étiage affectera la production, le transport en rendra le prix non compétitif, etc. De fait, le projet Belo Monte est affecté de la même charge symbolique pour ses promoteurs: montrer que le Brésil et ses gouvernants voient grand, rendent justice à la devise nationale qui parle d'ordre et de progrès. Le gigantisme de la centrale qui verra le jour est la revanche du Brésil émergent il n'y a guère, soumis aux injonctions européennes, au financement des Parcs et Réserves par les grandes de développement, qui leur donnait un droit de regard sur l'Amazonie.

Imaginons la rationalité appliquée de la même manière par ici: recycler ce tas de ferraille qu'est la Tour Eiffel pour en faire des navires. Faire du Mont Blanc une vaste carrière, aplanir les Alpes, rationaliser les transports vers la Suisse ou l'Italie... C'est cela le Pacte d'Accélération de la Croissance mis en oeuvre au Brésil.

C'est fini aujourd'hui. La grande Amazonie bientôt ne sera plus qu'une forêt parcourue de routes nationales. Cela au moment même où le basculement s'est déjà produit, de la forêt tropicale humide à l'alternance d'inondations et de sécheresses : http://www.nature.com/nature/journal/v481/n7381/full/nature10717.html

Détournement d'affiche de la compagnie Vale do Rio Doce

http://www.publiceye.ch/fr/vote/vale/

Un article de Leão Serva, Jornal da Ciência

"L'Amazonie meurt et les journaux ne voient rien"   JC e-mail 4409, de 20 de Dezembro de 2011.

8. A Amazônia morre e os jornais não vêem     Artigo de Leão Serva publicado na Folha de São Paulo de hoje (20). Nos últimos dias, dados preliminares de desmatamento da região foram anunciados como "boa notícia" ao mostrar que a destruição reduziu velocidade, quando apenas querem dizer (se comprovados) que o tumor causou a amputação de parte menor do corpo. Enquanto governo e imprensa fazem festa, o paciente morre. Procedimentos essenciais do jornalismo determinam a desinformação sobre o desaparecimento da maior floresta do mundo.   Um exemplo: no dia 16/10, a Folha deu manchete para um inédito levantamento de todas as obras de infraestrutura do PAC para a Amazônia. A reportagem saiu em "Mercado" e pela primeira vez foi possível ver que está em curso uma série de obras com dinheiro da União que, tantas sendo, não podem ser benignas numa floresta atacada há 40 anos. Mas, como o jornal é dividido em editorias e as notícias devem se submeter a elas, a mesma edição do jornal revelava na editoria "Ciência", páginas distante, que o "País faz mais obras, mas diminui gasto com conservação".   A separação das notícias tira do leitor a capacidade de entender fatos complexos, como o atual processo de destruição da Amazônia. O fracionamento faz com que a tramitação do Código Florestal no Congresso seja tratada em páginas de política; obras de infraestrutura na Amazônia, em economia; o ritmo da devastação florestal, em ciência; as mudanças dramáticas no clima amazônico, em meteorologia.   O ineditismo do levantamento da Folha é prova de omissão frequente da nossa imprensa: não ligar notícias de um dia com o passado. No caso das obras na Amazônia, os jornais nunca somam o impacto de obras já inauguradas com as que são anunciadas.   O governo se aproveita da miopia: jamais anuncia dois projetos ao mesmo tempo, diluindo o impacto de cada um. O próprio índice percentual de destruição total da floresta (estimado pelo Inpe pela análise de fotos de satélites do programa Prodes) é tema de confusão. O órgão divulga a cada ano quatro meses levantamentos de satélites diferentes, com dados às vezes contraditórios. Neste ano, os alertas de incêndio e desmatamento dos programas Deter e Degrad indicaram um aumento da degradação, mas os dados preliminares de desmatamento total revelam redução da velocidade de destruição.   Dois defeitos se repetem anualmente na divulgação dos dados do Inpe: (a) ao divulgar percentuais, o instituto esconde a soma dos valores absolutos de desmatamento já acumulado; (b) o noticiário não junta os dados dos programas que medem destruição total (Prodes) e degradação grave (Deter e Degrad), que poderiam revelar à opinião pública o ritmo assombroso da destruição da Amazônia.   Quanto ao primeiro defeito: segundo o Inpe, o desmatamento acumulado das áreas ocupadas por floresta em 1988 é de 18% (ou seja, quase 1/5 da maior floresta do mundo sumiu em 23 anos)! A segunda questão é mais dramática: a cada hectare inteiramente desmatado, outro sofre degradação irreversível. Ou seja, em 23 anos, o processo de destruição da floresta (desmatamento total e degradação grave) já amputou cerca de 35% da floresta, aproximando-se da previsão, que parecia apocalíptica nos anos 1980, de que a floresta amazônica poderia desaparecer em 50 anos.   A confusão de índices de desmatamento é semelhante à cobertura da inflação anos atrás: em 1989, uma redução da alta de preços de 80% para 20% seria notícia boa se o índice tendesse a zero, o que se deu com o Plano Real, em 1994. Já a destruição da Amazônia não tem Plano Real à vista: o governo federal quer estabilizar o desmatamento em 5 mil km²/ano, área de três cidades de São Paulo. Assim, de "boa notícia" em "boa notícia", a floresta morre.   Leão Serva, jornalista, ex-secretário de Redação da Folha (1988-92), é autor de "Jornalismo e Desinformação" (editora Senac).

 

Brésil: réforme du code forestier 2 ou 3

Je reviens pour la dernière fois sur la réforme du code forestier au Brésil, cette réforme qui a réduit à néant tous les efforts de conservation en Amazonie, a relancé la machine à assassinats de petits paysans et responsables syndicaux, et qui est portée entre autres par des députés, comme Katia Abreu, qui ont tout intérêt à être amnistiés des millions d'euros d'amendes qu'ils ont reçues pour crime environnementaux.

Ainsi va la politique. Quelques mètres cubes d'humains décident entre eux de la destinée de milliards de végétaux et animaux. L'effort planétaire de stockage de carbone ne passera pas par le Brésil.

C'est peut-être aussi bien. Peut-être qu'on décidera, dans les chaumines, de planter des arbres au fond de chaque jardin.

Mais cela me détourne aussi sûrement du Brésil qu'une politique inhumaine ou fanatique. Y retourner, pour quoi faire? Pour revivre le cauchemar des années 90, où durant 50 heures de bus on ne voyait, le long des routes, que des souches calcinées?