A l'heure où le Brésil connaît la pire catastrophe naturelle de son histoire, avec des pluies diluviennes emportant favelas et resorts touristiques sans distinction, un événement qui pourrait sembler un simple détail doit attirer l'attention: la démission, deuxième consécutive, d'un directeur de l'IBAMA (Institut Brésilien de l'Environnement).
Ces pluies n'ont rien à voir avec cette démission. Les dégâts qu'elles provoquent sont le fruit de l'incurie des aménageurs, du trafic de terrains inconstructibles par des promoteurs, qu'ils soient de classe internationale ou petit réfugié nordestin voulant spéculer sur les dix mètres carrés qu'il a gagné sur une colline.
Elles touchent particulièrement le sud (Sud-Est) du Brésil et provoquent de nombreuses victimes car les Etats qu'elles frappent (Rio, São Paulo) sont les plus peuplés, les plus urbanisés. Tous les efforts pour nettoyer les canaux ou rivières, comme le Tietê, viennent buter sur la tendance à confondre écoulement naturel et égout, berges protégées et dépotoir. Des sacs plastiques, par millions, viennent boucher toutes les évacuations, les flancs de collines s'effondrent les uns après les autres sous le poids des maisons que rien ne vient retenir.
On l'aura compris, s'il est un potentiel de production d'électricité, il est là, dans la capacité des favelas à glisser et à produire de l'énergie. Pourquoi, devant la fatalité de tels effondrements, ne pas pré-installer quelque turbine générant de l'électricité grâce aux pressions conjuguées de la boue et des ordures?
Car on en vient au deuxième phénomène majeur qui atteint le Brésil: l'assèchement progressif du bassin amazonien, par l'effet combiné (et autocatalytique) du réchauffement global et de la déforestation. Ce qui frappe l'Amazonie est inédit: la plupart des déplacements entrepris sur cette immense superficie (6 millions de km² en comptant tous les pays du bassin) le sont par bateau. Et voilà des villages, des villes entières paralysées, bloquées par l'assèchement des fleuves et des bras de rivière, nécessitant l'ouverture de routes qui ne font qu'accélérer la dynamique de destruction.
Dans ce contexte vient se placer la démission du Directeur de l'IBAMA, Abelardo Bayma. Comme son prédécesseur, et comme la Ministre Marina Silva, il a renoncé sous la pression du Ministre de l'Energie et des Mines, portant la parole du lobby hydroélectrique. Le front développementiste, "progressiste", parfaitement incarné par la nouvelle Présidente Dilma Rousseff, exige que la construction de la Centrale de Belo Monte, dans le Nord-Est du Para, débute au plus tôt, en février, indépendamment des expertises qui pointent les failles environnementales de ce projet mal goupillé.
Belo Monte (dont j'ai parlé ici, ici, puis ici), c'est 100.000 hectares de forêts détruites, le creusement d'un canal équivalent à celui de Panama, afin d'installer une centrale "écologique", avec des turbines à fleur d'eau. Mais la région étant peu vallonnée, les zones inondées iront fort loin, impacteront l'un des affluents majeurs de l'Amazone (le Xingu, déjà bien malmené), et les populations indigènes qui y vivent. De nouvelles villes seront créées, comme à Tucurui, le lac de retenue sera bordé de bidonvilles, un semblant d'activité économique sera insufflé dans une zone d'intérêt écologique majeur (au vu de ce qui reste...).
Une vidéo de promotion du barrage qui, voulant défendre son caractère écologique, laisse surtout entrevoir son aspect pharaonique:
Comme le fait observer Miriam Leitão, auteure de chroniques économiques dans le journal O Globo, on bâtit un empire artificiel au nom de la fée électricité, mais cette fée risque fort de n'être pas au rendez-vous: d'année en année, la masse d'eau disponible en Amazonie diminue, le débit des fleuves devient imprévisible, et le temps utile de production d'une telle centrale, si l'on invoque la rationalité économique, devient une pure aberration.
Voici un extrait de la chronique de Miriam, qui m'inspire cette note:
"Chuvas despencam em volume espantoso sobre áreas do Sudeste, fazendo mais de duas centenas de mortos só na Região Serrana do Rio. Na Austrália, vive-se a maior enxurrada em 120 anos. O Ibama passa por mais uma crise provocada pela exigência de licenciamento da hidrelétrica de Belo Monte. Assuntos separados? Não, partes da mesma insensatez. Anos atrás, uma seca na Amazônia exibiu o solo da região mais úmida do Brasil rachada como se fosse o Nordeste. É nessa região que o governo pretende construir a maioria das 61 novas usinas hidrelétricas que vão provocar o desmatamento de 5.300 km de florestas só nas áreas dos reservatórios e das linhas de transmissão. Que país é este, que mesmo diante dos alertas da Natureza de que todos os riscos ambientais precisam ser bem avaliados porque o clima está mudando de forma acelerada, acha que se deve soterrar as dúvidas com uma barragem de autoritarismo?", Míriam Leitão - O Globo, 13/1, Economia, p.18.
Voici le site d'une pétition en ligne que mes lecteurs peuvent, s'ils le souhaitent, signer (accessible uniquement en portugais):
https://secure.avaaz.org/po/pare_belo_monte/?vl
Voici, à titre de comparaison, trois illustrations du précédent qu'a constitué le barrage de Tucurui, sur le fleuve Tocantins. Sur cette localisation, on voit le Xingu immédiatement à gauche de la zone impactée par le premier:
Ici, deux photos prises par la NASA illustrant l'avant et après création du lac de retenue. Attention, la première photo (de 1979) est en rouge car les méthodes de traitements de l'image ne permettaient pas, avant une vingtaine d'année, de restituer les couleurs exactes (verte, en l'occurrence) de la forêt:
Enfin, une vue en premier plan du déversoir, tirée du site "cidadetucurui.com" - noter la faible hauteur du barrage et l'ampleur de la zone inondée, visible sur l'image précédente:
Enfin, une vidéo en portugais présentant la situation:
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