Exercice de dénigrement en règle de cette pauvre France: "C'est nous qui vendons des Rafale à la dictature de Sissi", "C'est nous qui pillons l'Afrique et renvoyons ses migrants", "C'est nous qui nous plions aux diktats de l'Arabie Saoudite parce qu'elle nous vend du pétrole". "C'est nous qui polluons la Chine en exportant nos entreprises"...
Je sature et me pose la question: qui est "nous"? A quel moment ai-je voté pour quelqu'un dont le programme mentionnait qu'on se coucherait devant l'Arabie Saoudite? Que l'on vendrait des armes à des pays explosifs? Jamais, je n'ai jamais voté pour cela. Tout ces "nous" sont nos dirigeants. Ce qu'ils font de répréhensible, au nom de qui le font-ils? Pas en mon nom, ni en le vôtre.
Voici la démocratie subvertie. Celle qui se dit représentative mais dont l'essentiel de l'action se joue dans un cercle restreint, pour des intérêts privés. Qui d'entre nous n'a pas éprouvé la honte d'être Français quand on tolère qu'un potentat sanguinaire soit reçu en grande pompe et monte sa tente dans les jardins de l’Élysée? Et devant ces circuits de corruption qui maintiennent aux pouvoir, en Afrique, des amis de la France qui vampirisent leur pays? Les exemples sont innombrables. Mais ce n'est pas à nous d'avoir honte. C'est à ceux qui claironnent qu'en aidant des multinationales on relance la croissance et l'emploi.
Ceux qui demandent aux Français des efforts au travail ou à la recherche d'un emploi, qui légifèrent sur le stationnement dans un hall d'immeuble, mais qui face à des salaires stratosphériques se disent impuissants. Ceux qui dépècent les biens de l’État, les nôtres, pour les revendre: un hippodrome par-ci, une autoroute par là, et qui aujourd'hui investissent notre argent dans des projets qui engraisseront des groupes privés - un aéroport par-ci, un EPR par là. A nous d'investir, en tant que contribuables, dans cet argent dilapidé, qui ne nous reviendra pas, dans cet environnement dégradé, privatisé.
Privatiser les profits, socialiser les pertes, sociales, environnementales: l'essence du néo-libéralisme est là. Les gouvernements, aujourd'hui, se soucient de gérer cette subtile transfusion, de faire passer cette spoliation collective comme étant nécessaire à la compétitivité. Notre ministre de l'agriculture défendant jusqu'au bout les néo-nicotinoïdes au motif que les agriculteurs français seraient pénalisés à l'exportation - suivant un argumentaire dicté par un grand patron de l'agrobusiness, représentant d'une fédération d'agriculteurs qui a distillé du pesticide dans toutes les rivières, les champs et les forêts, et dans ce que nous mangeons.
C'est un sablier que l'on retourne sans cesse: d'un côté, notre pouvoir collectif s'écoule, étranglé, pour que d'autres accumulent des capitaux qui ne nous reviendront jamais - partis au Panama ou ailleurs, ou dans la ludothèque d'une petite commune au maire corrompu. Quand on retourne le sablier, voici les externalités qui nous retombent en pluie sur la tête: misère, précarité, pollution.
Un mouvement comme Nuit Debout s'effilochera peut-être, mais il n'est qu'un symptôme de ce que "nous" avons cessé de tolérer. Nos représentants élus, lorsqu'ils deviennent des représentants de commerce pour Dassault, Airbus ou Areva, cessent de fait de nous représenter, ou de représenter la France.
Donc, je le répète, ce n'est pas "la France" qui vend, magouille ou pille. Ce n'est ni vous ni moi. Ce sont ceux qui ont trahi la République, la dévoient, et pensent qu'au fond nous partageons ces idéaux de crétins avides de gagner plus de fric.
Dans une de ses meilleures chansons ("Foules sentimentales"), Alain Souchon dit: "On nous fait croire/Que le bonheur c'est d'avoir/ d'avoir des quantités de choses/ qui donnent envie d'autres choses".
C'est ce que je fredonnais ce matin en courant les pharmacies pour acheter des couches premier âge.
Je pensais également aux débats stériles qui ont suivi les régionales, et le foisonnement d'articles ou de points de vue déplorant la stérilité des politiques et appelant à un renouvellement des classes dirigeantes.
Quant à la stérilité des débats, ils font écho à la pauvreté d'une campagne où le seul programme est de brandir l'épouvantail du Front National. Cela fait déjà quelques années que cela dure, ces "renforcer la sécurité", "comprendre le ras-le-bol des Français", comme si nos édiles n'en étaient pas eux-mêmes. Ils sont pourtant loin d'être des Léviathan.
Révélatrice à cet égard est la réaction de la Ministre de l'Education Nationale à la fausse agression d'un instituteur: proposer une loi pour "renforcer la sécurité", cette fois dans les écoles. Un événement, une loi. L'événement s'avérant un canular, adieu la loi.
Dans Political Order and Political Decay, Francis Fukuyama évoque ce cas de figure en opposant deux modes de gouvernance: le règne de la loi et le règne par la loi (Rule of Law vs Rule by Law). Dans le premier cas, des institutions solides, respectées, un système juridique bien pensé et encadré, permettent d'anticiper tous les cas de figures, ou phénomènes, susceptibles d'affecter un pays. Dans le deuxième cas, l'action politique est à configuration variable, s'ajustant en permanence aux événements, au risque de réajustements constants, voire de voltes-faces.
C'est bien entendu le second qui nous échoit, le règne par la loi, où la législation est produite par l'exécutif au lieu qu'il soit tenu d'appliquer celle qui émane du législatif.
Quant au foisonnement d'articles réclamant une nouvelle politique, par le renouvellement de la classe qui l'incarne, ils commencent et s'achèvent sur cette revendication. Mais quelle autre politique?
Il nous faut d'abord interroger la légitimité d'un pouvoir national. Les Nations se sont construites sur les ruines des Empires et l'homogénéisation des provinces, cela à partir du XVIIIe siècle. Elles sont l'incarnation d'une nouvelle assise de l'Etat: le peuple souverain et l'adhésion volontaire par l'impôt et émotionnelle par le patriotisme.
Comme tout phénomène historique, les Nations sont transitoires, elles peuvent s'effondrer, se fondre dans des ensembles plus vastes, se fragmenter. L'homogénéité culturelle n'est nullement une garantie de leur pérennité - une homogénéité mise à mal par les mutations de la société française - il suffit d'entendre à longueur de journée les allusions à "la communauté musulmane", "la communauté juive", la "communauté chrétienne", dans un pays laïc, pour mesurer l'inanité et la vacuité des discours stigmatisant les communautarismes, et la reconnaissance implicite que nous sommes un pays multiculturel.
Mais ce qui porte atteinte à la légitimité d'un projet national, c'est bien plutôt l'hétérogénéité sociale - en d'autres termes, les inégalités créées entre ceux qui possèdent tout et ceux qui ne possèdent ni ne décident rien. Or c'est cela, cette inégalité, que le néo-libéralisme va en produisant: jouer, comme on joue au poker, sur la productivité des entreprises (devenant elles-mêmes un bien ou un objet d'échange plutôt que les biens qu'elles produisent), puis sur la compétitivité des Etats eux-mêmes. Ce ne serait rien s'il n'y avait la complicité de gouvernants qui prétendent ne rien pouvoir y faire mais refusent, par exemple, une taxe sur les transactions financières. Les employés, puis les citoyens eux-mêmes, deviennent ainsi des variables dans des configurations macro-économiques qui les dépassent, qu'ils n'ont pas entérinées. Comment peut-on d'un côté défendre une démocratie représentative et de l'autre ôter au peuple le pouvoir de décider de son sort? Comment peut-on représenter un peuple entier et emporter dans ses bagages, à chaque voyage officiel, les mêmes dirigeants de grandes entreprises?
La mission de l'Etat Français, tel que défini par le Conseil de la Résistance - ce qui forge, donc, la loyauté du peuple à l'égard de la Nation - c'est la justice, l'éducation, la santé, et la sécurité. On ne peut garantir celle-ci tout en malmenant les trois autres. On ne peut, non plus, demander aux citoyens de supporter des inégalités qu'ils ont déjà mises à bas deux siècles auparavant, et cela sans frémir, sans réagir, en se taisant.
Que devrait faire l'Etat pour racheter son ineptie?
Basculer la fiscalité du travail sur la fiscalité environnementale ou la taxation du capital, taxer les transactions et les produits issus de délocalisations, réorienter l'investissement des caisses de retraite des fonds spéculatifs vers le logement (c'était une des propositions de Pierre Larrouturou), indexer les salaires sur les compétences et non sur le revenu minimum, et lutter contre le besoin constant d'accumuler des biens, c'est-à-dire prohiber le martèlement publicitaire qui ne vend que du vent, de l'obsolescence, et configure les esprits en leur faisant croire que "le bonheur c'est d'avoir". L'Etat ne le fait et ne le fera pas. Il ne fait que se reproduire, se multiplier, sous formes d'échelons territoriaux fournissant leur lot de nouveaux représentants des Partis, non de la Nation. A quoi sert le Sénat? A quoi servent les Départements? Personne ne répond.
Ce qui me fait dire que les Nations se délitent, parviennent au bout de leur souffle historique, c'est précisément la lassitude qu'engendre un projet universel tombé entre les mains d'une oligarchie. Ce n'est pas le vote Front National qui doit susciter l'attention, ni le taux d'abstention. L'attention doit se porter sur les raisons de l'abstention. Non, nous ne sommes pas allés à la pêche, nous qui n'avons pas voté. Penser que la répulsion éprouvée pour les politiques est un aboutissement, voilà une grande erreur. Elle est le début de quelque chose.
Non pas le grand soir, pas la Syrie, mais la recherche de la démocratie.
Considérons un village de Bourgogne. Le revenu moyen y est de 17.000 euros annuels. Ce village est parmi ceux qui compte le plus grand nombre d'exploitations biologiques (40%, contre 4% de moyenne nationale). Trop loin des centres urbains, ce village n'a pas connu la rurbanisation. Le seul lotissement créé peine à se remplir. Or les habitants, conformément à leurs pratiques, sont de ces citoyens que je veux décrire: ils ne votent qu'aux élections locales, se sont détournés de tous les enjeux nationaux, et produisent de la sociabilité par le biais de l'entraide et de multiples associations. Malgré la faiblesse des revenus, personne ne manque de rien, toute la nourriture ou presque est produite sur place et fait l'objet de dons et de contre-dons. Ceux qui ne produisent rien donnent un coup de main.
Ce qui permet à ce système de fonctionner, c'est que les habitants, s'émulant mutuellement, se sont défaits de l'hallucination qui consiste à penser que l'on vit pour consommer des objets inutiles ou tapageurs. La réussite sociale, pour eux, n'est pas de pouvoir acheter une Ferrari, mais d'être aimé, d'être estimé. Je ne parle pas d'Indiens Yanomami, je parle d'un village de Bourgogne.
Tout ne tourne pas autour de l'argent. La dette, la rentabilité, la compétitivité, sont des concepts cannibales. Comme le dit la Bible, "là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur".
C'est un fait connu de la science : la deuxième guerre d'Irak et le renversement de Saddam Hussein ont aggravé l'instabilité de la région, produit de multiples déplacements de population, et ont bien entendu donné naissance à l'Etat Islamique, s'appuyant sur les cadres réformés de l'armée irakienne que les Américains ont eu la bonne idée de dissoudre.
Cela, et la situation dramatique en Syrie, et ses répercussions au Liban, et la sempiternelle relégation de l'occupation des territoires palestiniens, amène de nombreux blogueurs et commentateurs divers à ironiser sur les attentats de Paris. On brandit le silence entourant ceux de Beyrouth ou les bombardements voulus par Assad sur son propre peuple, comme preuve de l'indifférence "occidentale".
De note en note, de post en post, on n'entend que des propos culpabilisateurs: n'est-il pas scandaleux de faire tout un plat pour 130 morts alors que les kamikazes font mieux ailleurs? Et les monuments du monde entier parés de tricolore, et cette Marseillaise entamée à tout bout de champ, n'est-ce pas une provocation face à la souffrance du monde arabe (toutes religions confondues)? Il est paradoxal que l'on nous balance en permanence le monde arabe à la figure précisément au moment où, par ici, on commence à oublier de faire l'amalgame entre Islam et malades mentaux.
Nous commençons également à oublier que ce n'est pas seulement George Bush qui a créé Daesch, mais aussi ceux-là qui ont fait du wahhabisme le nec plus ultra de la vie en société . Ce n'est pas la dernière encyclique du pape François ni le recueil de propos du chaman Davi Kopenawa Yanomami qu'ils brandissent.
On pourrait disserter sur ce nombrilisme qui fait que, même dans les rares pays où la cocotte-minute ne fait que siffler, on se fout éperdument du réchauffement climatique, de l'Ukraine, de la crise de 2008, de la faillite de la Grèce. Certes, on a d'autres chats à fouetter. Ce qui fait la fortune du Moyen Orient - le pétrole - fait aussi son malheur. Les multiples interventions étrangères n'auraient pas lieu si le monde ne cherchait pas à garantir son approvisionnement énergétique.
La manne pétrolière n'a pas précisément été utilisée à des fins sociales, ni environnementales. Pistes de ski à Dubaï, femmes claquemurées à Riyad, et financement abondant de mosquées wahhabite dans le monde entier, appui logistique, etc. Cela, nous le savons. Ce que nous avons plus de mal à comprendre, c'est le rapport établi de facto entre production pétrolière, et l'avidité qu'elle suscite, et réchauffement climatique. Le pétrole produit les guerres, l'insécurité, et bientôt 2, 3, 4, 5 ou 6° supplémentaires sur la planète. Le rôle actif des pays pétroliers dans le torpillage des négociations sur le climat tranche avec leur apparente passivité face aux monstres qu'ils ont produit.
Mais la dernière chose, certes secondaire par rapport au bousillage de la planète, est qu'on ne se pose pas la question du: pourquoi? Pourquoi l'invasion américaine de l'Irak et de l'Afghanistan produisent-elles des flambées terroristes? Pourquoi des massacres de shiites, de chrétiens yézidis, des attentats partout, pourquoi des dictateurs choisissent-ils de gazer leur propre peuple plutôt que d'organiser des élections? C'est comme si finalement toute déstabilisation du Moyen Orient ne servait qu'à libérer de la haine. Mais cette haine, est-elle apparue soudainement? Ce que nous découvrons chaque jour, ce sont des actions motivées par la haine. La haine de l'envahisseur ne serait rien, et serait même normale, s'il n'y avait également de la haine pour le voisin, pour les mécréants qui sont à peu près tout le monde sauf soi.
Les commentateurs, tout de rage contenue, semblent assumer le déterminisme et la fatalité de cette haine, comme si au fond gouverner un pays consistait à maintenir les haines en état d'équilibre, ou à l'exporter dans les pays voisins. On a pourtant quelques exemples de pays envahis qui, une fois libérés, se reconstruisent dans la paix et dans les concessions mutuelles, qui font même la paix avec leurs envahisseurs, et qui créent par la suite plus de justice sociale, plus de sécurité, et créent finalement des conditions pour que cette paix soit durable. Certes, parmi ces enfants de chœur, ces chiens de démocrates mécréants, certains chantaient la Marseillaise.
Outre la Marseillaise, la Révolution française a donné naissance à deux choses: les Droits de l'Homme, et la Guillotine. Le libre arbitre consiste à pouvoir choisir entre l'un ou l'autre. Manifestement ceux qui ont créé l'Etat Islamique, avant même que celui-ci ne soit créé, avaient déjà fait leur choix.
Les magasins de vêtement sont partout, ce n'est pas une découverte.
Mais ce qui m'a frappé, c'est notre fixation sur les gaz à effet de serre émanant des carburants et notre désinvolture concernant le marché du linge et des textiles, et ce qui va avec.
Souffrance des chiens que l'on élève pour de minables cols de fourrure:
Et celle des renards:
Souffrance des chiens de rue que l'on massacre pour faire des gants, des bordures, des épaulettes:
Souffrance des hommes et de l'environnement pour tanner le cuir:
Encore une fois, souffrance des hommes et de l'environnement pour teindre le cuir et les tissus:
La souffrance de ceux qui les cousent et les assemblent:
Sans oublier
1) le transport par cargos, les camions et camionnettes de livraison;
2) les milliers de tonnes de papier utilisés par les journaux féminins pour promouvoir des vêtements tous fabriqués aux mêmes endroits.
Toute cette pollution, toute cette misère, tout cet argent enfin, mobilisés parce que l'on veut faire croire qu'être à la mode est une marque de goût et d'originalité, ce qui nous donne ce genre de profondeur intellectuelle (les photos ici: http://www.puretrend.com/article/olivia-palermo-la-robe-en-cuir-version-upper-east-side_a46958/1) :
"Toujours très présente sur le red carpet, la socialite et égérie Olivia Palermo faisait une nouvelle fois sensation sous les spotlights lors de la projection de Welcome To The Riley's organisée à New-York.
Revisitant la robe en cuir dans un style très Upper East Side, Olivia avait misé sur un modèle court à manches longues. Ample sans être flottante, cette pièce flattait discrètement la silhouette fine de la demoiselle et rehaussait son hâle doré.
Les cheveux attachés et un make-up ensoleillé, Olivia était comme à son habitude radieuse.
Chic mais tendance, Olivia nous donnait une leçon de style sur la façon d'accessoiriser la robe en cuir."
Et finalement, finalement, cette idée accablante: la recherche de soi, d'une affirmation de soi, à travers des vêtements, par leur prix, par leur originalité, alors même que la mode n'est rien d'autre que la convergence perpétuelle des goûts et des couleurs...
Bref toute cette pseudo-créativité, cette abondance artificiellement entretenue par la vanité des humains, ne vise en fin de compte qu'à imposer telle coupe, telle couleur, telle tendance ou telle marque, bref à proposer un uniforme pour chaque saison à de pauvres gens en mal de personnalité.
Ecoutant les infos ce matin (un peu déconnecté après trois semaines à la campagne).
Nouveau plan de naufrage pour la Grèce, dévaluation du yuan, relance de la filière nucléaire... Tout cela paraît de plus en plus irréel. Il y a 170 ans, Marx et Engels décrivaient l'exploitation du prolétariat pour permettre l'accumulation du capital par la sous-évaluation du travail.
De révolutions en guerres civiles, de manifestations en grèves générales, le droit du travail s'est construit en laissant des miettes de bonheur à ceux qui travaillaient à la chaîne. Encore pouvaient-il affecter directement leurs patrons.
Ce sont aujourd'hui les pays eux-mêmes qui sont asservis. Les nouveaux patrons? Ce sont ceux qui par la finance autorisent la croissance ou la faillite de nations entières. Les pays sont cotés comme de vulgaires actions et obligations. Tout cela nous échappe. Ouvriers pas contents? Délocalisation. Agriculture mondialisée? Effondrement des cours. Le gouvernement navigue le regard rivé aux cotations, mais ne contrôle rien.
A force d'évoquer la croissance comme une incantation, on perd de vue que c'est au contraire la relocalisation de l'économie qui nous permettra d'échapper à l'emprise des places boursières. Cesser de produire du poulet pour inonder l'Afrique. Cesser de penser que c'est à force d'acquisitions qu'on "croît". Les Vivendi, les Areva, les SFR, s'effondrent tout simplement parce qu'ils ont trop grandi.
Partout en France, des communautés se créent, qui reposent sur l'entraide, sur les productions locales, et ces communautés se déconnectent de tout ce qu'on nous a fait croire jusqu'aujourd'hui. L'idée que la compétitivité justifiait tous les drames sociaux. L'idée que le bonheur des citoyens était secondaire par rapport à l'avidité des actionnaires.
On cesse d'acheter. On cesse de vouloir tout et à tout prix. On cesse de courir après un argent qui ne remplacera jamais la solidarité, la croyance, l'attachement à une mémoire collective. C'est tout cela que l'on cherche à détruire. C'est cela qu'il nous faut préserver.
On ne peut m'accuser d'avoir une âme d'enfant. Pourtant quelque chose s'est brisé en moi à la lecture du Monde aujourd'hui. "L'Allemagne humilie la Grèce", l'Allemagne a eu la peau de Tsipras, et pas que l'Allemagne d'ailleurs.
Ce qui s'est brisé en moi, c'est l'idée que l'Europe, la construction européenne, était un projet historique, c'est-à-dire ancré dans le temps long de l'Histoire.
Dans cette perspective, on aurait pu comprendre l'acharnement de Monsieur Schäuble s'il s'était agi de faire payer aux Grecs l'humiliation du Traité de Versailles, ou plus récemment, la fameuse invasion de l'Allemagne par la Grèce, où les Grecs orchestrèrent une famine ayant tué plus de 10% de la population, imposèrent des frais d'occupation exorbitant, et firent régner la terreur en exécutant, pour un Grec tué, cent otages allemands.
Mais non, ce ne sont pas ces considérations historiques qui ont motivé l'Allemagne, pas plus que la Finlande, la Slovaquie, la Slovénie, la Bulgarie, la Hollande ou la Belgique.
Ce qui a motivé cet acharnement, c'est une logique comptable, financière, à court terme, sous les vivats de pays qui viennent d'entrer dans l'Union, qui ne partagent pas sa profondeur historique ni sa mémoire.
Les Grecs se sont vus opposer, à leurs négociateurs, des employés de banque, ceux-là qui risquent des milliards sur les marchés mais refusent de financer un plombier, et font payer des agios à leurs clients les plus pauvres. Jamais on n'avait vu la doctrine néo-libérale se montrer si mesquine, si étroite, et si misérable finalement, prête à menacer la solidarité européenne pour pouvoir, enfin, privatiser le port du Pirée.
Les Schäuble, les Dijsselbloem, tous ceux qui ont brisé la Grèce entreront dans l'Histoire comme ceux qui auront brisé autre chose, le peu de confiance qu'il nous restait. Leur mépris de la démocratie, dénonçant le référendum grec mais conditionnant toute aide au vote de leurs propres Parlements, la manière dont ces puissants ont transformé en pantins, au nom de l'intérêt supérieur de l'Argent, les députés européens, l'opinion publique européenne, les citoyens grecs, ne sera pas pardonnée.
Syriza fera des petits, je l'espère, partout en Europe, et partout, je l'espère, des idées plus généreuses reprendront enfin le pouvoir.
Les intermittents, Charlie, la Gay Pride, Les Guignols de l'info, j'en oublie.
Chaque semaine, les causes défendues sur Facebook changent, comme si adhérer à un réseau social était un exutoire à toutes les indignations. Comment passer, sans transition, du Non de la Grèce aux Guignols de l'Info? Et parmi mes lecteurs, qui se souviendra d'eux dans vingt ans... Cette note même sera périmée dans une semaine: d'autres sujets d'indignation surgiront.
Un jour on se drape dans le drapeau arc-en-ciel. Le lendemain on proclame sa solidarité avec les migrants. Et tout cela dans le vide sidéral des trois amis qui vous lisent, se drapent dans un drapeau arc-en-ciel, mais qui, ayant manqué le train des migrants pour cause de croisière en Sardaigne, passent directement à la défense des Guignols de l'Info.
Et les causes, les causes, sont abandonnées quel que soit le sort que l'avenir leur réserve. On s'indigne comme on expectore, la cause ainsi évacuée cédant sa place à une autre. L'indignation devient ainsi un état permanent, comme on est angoissé ou irascible.
Je ne vois qu'une persévérance, qu'une ténacité: la mienne, dans mon combat contre les poussettes et les artistes de rue.
Petit échange lu sur un site féminin (à propos de la mobilité des embryons trisomiques). Je ne corrige pas les fautes. Les pro-life se distinguent par leur tact et leur gentillesse... Et, de manière perverse, ils semblent inverser la dialectique du choix: tu as "le choix d'avorter ou de ne pas avorter" mais évidemment ce choix est celui de ne pas avorter...
Une jeune femme:
"j'ai 28 ans, j'ai du faire une ivg à la suite de mauvais résultats! le bb [trisomique] bouge autant qu'un bb normal. j'ai fait l'ivg a 5mois et demi de grossesse. c'était terrible sur le plan psychologique mais tout le monde a l'hôpital a été très grand réconfort. le plus dure est le délai passé entre les résultalts et l'intervention: 8 jours! j'avais un risque de 1/240 et l'amnio est suggèré a 1/250, je peut maintenant dire que dans mon malheur j'ai eu de la chance que ma prise de sang soit révélé mauvaises car cette analyses est sûre a 60%! Ca fait fait 3 mois que ca s'est passé et bientôt nous allons ressayer une nouvelle fois. le gynéco a dit que ce n'était pas génétique du tout et que c'est la faute a pas de chance."
Commentaire de la pro-life:
"juste pour corriger qqchose qui me semble erroné dans ta phrase. Tu dis : "j'ai dû faire une ivg". Il me semble que tu devrais plutôt dire "j'ai CHOISI de faire une ivg"
En effet, dans ivg, il y a le mot "volontaire"
Maintenant, tu dis que tu as eu de la "chance" que la prise de sang t'ai révélé le risque de trisomie 21. Peut-être, mais ton bébé, lui, n'a pas eu de chance...
Je respecte votre choix, mais la formulation des phrases mérite peut-être un peu plus de délicatesse envers cet enfant qui n'a pas eu le droit de vivre, non ?"
Réponse de la jeune femme
"Je ne me suis peut etre mal exprimée mais quand on a pas vécu la même chose je pense qu'on peut s'abstenir de dire"mais ton bb lui n'a pas eu de chance".Je te remercie de me le rappeler!!! et après tu me parle de délicatesse! Et bien en voyant ton message et d'ailleurs tes autres messages, on peut dire que ta des idées bien arrêter... C'est vrai,rectification de mon 1er message, c'est nous qui avons pris la décision. Et au fait tu crois quoi que je continue ma vie comme ci de rien n'était:"ouais j'étais enceinte mais bon!" Et bien NON ca ne se passe pas comme ca j'y pense tout le temps rien que de te répondre ca ma fait pleurer alors excuses moi pour mettre mal exprimée et d'ailleurs j'ai sûrement fait des fautes!!! Je pense que quand on parle de choses qui nous ont boulversées, on fait des fautes d'expressions comme tu as pu me le remarquer."
Commentaire de la pro-life:
"je ne suis pas d'accord avec la phrase "ce n'est pas possible de faire autrement".
Si, c'est possible. Il est possible de poursuivre la grossesse, et de donner vie à un enfant trisomique. Bien sûr, ce n'est pas un choix facile, mais on a le choix !
Quand à l'expression "perdre" un enfant, là aussi, elle me heurte un peu, car "perdre", cela résonne comme un accident indépendant de la volonté. Or, ce n'est pas le cas.
Ce n'est pas parce que l'opération s'appelle "médicale" qu'elle est obligatoire et imposée aux parents par le corps médical."
Il est étonnant de voir comment ceux qui parlent au nom de l'humanité peuvent être inhumains.
Un journal féminin titre: "Génération Rebelles: prêtes pour la révolution". La révolution?
Je pense à la nouvelle de Machado de Assis, "Théorie du médaillon", qui parle de l'ineptie.
"Si je ne m'abuse, mon fils, tu me parais
doué de la parfaite ineptie mentale qui convient à ce noble office. Je ne me
réfère pas tant à la fidélité avec laquelle tu rapportes dans un salon les
opinions entendues au coin de la rue, et vice-versa (...). Non ; je me
réfère à la fermeté avec laquelle tu as coutume
d'exposer franchement tes sympathies ou tes antipathies à l'égard de la coupe
d'un gilet, des dimensions d'un chapeau, des bottes neuves qui grincent ou ne
grincent pas. Voilà un symptôme éloquent, voilà une espérance."
Interview de Nicolas Anelka dans le Figaro. Il touche 230.000 euros par semaine. Voici ce qu'il en dit:
"Si tu ne comprends pas les salaires énormes des joueurs, c'est que
tu n'as rien compris au business du foot (…) Chacun a ce qu'il mérite.
Je transpire depuis très longtemps pour gagner cet argent."
Utiliser le verbe "transpirer" pour expliquer en quoi il mérite ce salaire tend à assimiler le foot à un travail manuel. Et de fait, n'importe quel maçon "transpire", de même que n'importe quel plombier, menuisier, charpentier, pour gagner son argent. Au sens figuré, ce sont les travailleurs non manuels qui transpirent pour gagner leur argent.
Et je suppose que n'importe quel trader, qui joue des sommes énormes qui ne sont pas les siennes, mais dont il devra rendre compte, "transpire" beaucoup lorsqu'il voit les cours s'effondrer.
Bref, tout le monde transpire, et si chacun a ce qu'il mérite, j'ai du mal à comprendre pourquoi Anelka ne ferme pas sa grande gueule, lui qui alterne "transpiration" sur le terrain et Game Boy dans sa chambre.
Anelka n'a rien compris à la vie en général, le sentiment de désespoir qui s'empare des gens normaux, quand l'horizon est bouché.
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