Le Brésil va toujours à contresens de l’histoire.
Pays industriel, il ne prend position sur la scène internationale que pour défendre ses monocultures de viande, de sucre, de soja.
Prêt à investir ses énormes réserves dans des méga-projets, il ne cesse de réclamer que les Occidentaux financent la protection de ses forêts.
Depuis quelques années, pourtant, et les ministères de Marina Silva et Carlos Minc, la tendance à la déforestation semblait essoufflée : 6000 km² en 2010 contre une moyenne de 20000 auparavant. Cette politique reposait, non sur un vote du Congrès, mais sur une Mesure Provisoire votée en 2000. Une Mesure Provisoire est l’équivalent d’une Ordonnance.
Or voici qu’un député, Aldo Rebelo, propose une réforme du Code Forestier, afin de « libérer le petit producteur, étouffé par les lois ». Cette réforme abandonne, de fait, la notion de crime environnemental, et revient sur trois éléments clés de la politique en matière de protection des forêts : le maintien de la ripisylve (boisement des bords de fleuves et de rivières), l’interdiction de déforester les pentes et les collines, et finalement la « réserve légale » - obligation de maintenir sur pied un pourcentage de végétation native en fonction des biomes (80% en Amazonie, 50% dans le Cerrado, 20% en Forêt Atlantique).
La justification oscille entre la paralysie des moyens de production et le fait que les lois de protection ne sont pas appliquées, et sont maintenues à coup de mesures d’amnistie.
Dans le même temps, soucieux de poursuivre son plan de développement accéléré (PAC), le Président Lula a durement frappé et fragilisé l’Institut Brésilien de l’Environnement (IBAMA), coupable d’avoir entravé la construction du barrage de Belo Monte et autres programmes pharaoniques.
Et le résultat surgit aujourd’hui : en dépit des inondations qui ont endeuillé le sud du Brésil, justement à cause du non respect des lois environnementales, la base ruraliste du Congrès se dresse comme un seul homme – à plus de 60% - pour applaudir ce nouveau code forestier, en dépit de l’opposition de Dilma Rousseff.
Mais la menace de veto est sans effet. Même les députés du PT sont favorables à la réforme. La Présidence se voit contrainte d’accepter tout, jusqu’à l’amnistie dont la perspective a relancé la déforestation.
Qui sont ces députés ? Représentants des Etats agricoles du sud et du nord, ils sont eux-mêmes exploitants, leur base électorale repose sur ces communes et ces cantons où les maires élus sont fazendeiros, et ont beau jeu de se faire les porte-voix des petits agriculteurs qu’ils spolieront dans la foulée, ou achèteront à coup de projets d'écotourisme ou de pisciculture financés par l'Allemagne ou la Norvège.
Ainsi va le Brésil. Lula tonnant à Johannesburg. Les présidents et ministres frappant du poing pour déclamer « l’Amazonie est à nous ! ». Le Brésil aspirant à un siège au Conseil de Sécurité. Cela au moment où les humains, lassés des questions d’environnement et de réchauffement climatique, se passionnent à nouveau pour des changements de régime au Proche-Orient, plus important bien sûr qu’une extinction brutale de la biodiversité. La question de notre pérennité sur Terre ne mérite pas d'être posée.
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